SPY 2: un Morgan Freeman peut en cacher un autre !

L'Espion qui m'a larguée.
Un titre alléchant, parodie de L'Espion qui m'aimait, révélateur d'une volonté de référer autant que possible au genre qu'il détourne de façon burlesque. Et de fait, Mission: Impossible, Kingsman, James Bond, Atomic blonde, tout y est !


L'Espion qui m'a larguée.
Un titre aussi alléchant qu'inquiétant, dans la veine de comédies qui font de leur titre même un détournement de James Bond, y parvenant parfois - L'Espion qui m'a tirée - mais échouant souvent sur l'île de la platitude et du mauvais goût, comme Rien que pour vos cheveux.


Quid de L'Espion qui m'a larguée ?
Nouveau L'Espion qui m'a tirée ou nouveau Rien que pour vos cheveux ?
Ni l'un, ni l'autre: c'est un peu SPY 2: une comédie d'espionnage peut en cacher une autre.
Car au fond, le schéma narratif est assez semblable bien que la secrétaire enrobée familière du monde de l'espionnage soit remplacée par deux jeunes civiles sexy mais naïves au sens premier du terme. On retrouve des personnages semblables, le lieu commun si bien résumé par l'incipit du Spectre de Sam Mendès. Bref, L'Espion qui m'a larguée, c'est un quasi copié-collé new school de SPY, légèrement meilleur.


Légèrement meilleur seulement parce qu'il est plus honnête dans ses annonces et parce que l'humour a failli être moins vulgaire.
En effet, L'Espion qui m'a larguée conjugue action et humour et doit beaucoup à ses scènes d'action. Le comble pour une comédie.
En fait d'humour , c'est un collier où l'on enfile quelques belles perles et une mer entière de boules de plastique argentées censées faire office de perles.
"Ils étaient faux !", s'écriraient alors Ernest Renan avec moins d'enjouement et plus de dépit que lorsqu'il écrivait ces mots au sujet de La Parure de Maupassant !


Prenons deux exemples.


Exemple d'un bon passage:


Drew, le personnage éponyme, en pleine scène de poursuite, s'introduit à la James Bond chez deux jeunes colocataires médusés par leur télévision. Il a beau courir dans tous les sens et même leur dérober un tournevis, nos deux olibrius n'exprimeront au mieux que la gêne de ne pas pouvoir suivre leur programme comme il le voudraient, semblant trouver l'intrusion de l'agent secret totalement normal.
Bon détournement de ce qui est devenu un topos bondien, ce passage du film est plutôt hilarant, entre autres parce qu'il prend le contre-pied total du reste du film qui joue sur le stéréotype des civils découvrant le monde quasi-fantastique de l'espionnage avec étonnement.


On aurait pu citer ici la bonne scène avec Snowden himself, face au Kremlin, expliquant à l'une des deux héroïnes avec laquelle il a eu une relation amoureuse par le passé qu'il aura du mal à la rejoindre à Los Angeles ou le pastiche de la scène d'église de Kingsman dans un restaurant.


Exemple d'un mauvais passage:


Dans une bibliothèque, Sebastian, Audrey et Morgan tentent de décrypter la clef USB de toutes les convoitises mais elle comporte un mot de passe. Morgan décide d'en appeler à son sex-friend Edward Snowden pour casser ce mot de passe. Mais étant donné qu'ils sont surveillés (...ou pas d'ailleurs, puisqu'ils sont censées être mis hors-jeu ...) par la CIA, Morgan va devoir emprunter un portable d'une adhérente de la bibliothèque. Et la voilà partie dans un sketch de stand-up plutôt gênant pour elle comme pour nous, spectateurs ! La bibliothèque se trouvant à Paris et les parisiens étant de piètres linguistes, la jeune femme va en toute indiscrétion tenter de demander en français à une étudiante si elle peut lui prêter son portable. Le comique de langage se perd dans la parodie des phrases apprises par coeur mal replacées.
Lorsque Gad Elmaleh fait cela dans un one man show, c'est drôle, parce qu'il dose sa plaisanterie. Lorsque Rowant Atkinson fait dire n'importe quoi en chinois à son Johnny English vantard ou que Gérard Depardieu est incompris dans cette même langue par défaut d'élocution après avoir raillé celui d'une hôtesse de l'air qui l'a repris, c'est hilarant, parce que préparé en amont ou propre au caractère du personnage.
Lorsque le Général Spountz de Roland Giraud veut se faire admirer des français en usant d'un langage de l'époque de Corneille, parce qu'il a appris un français trop littéraire et peu pragmatique, c'est drôle parce qu'il y a un décalage entre l'effet qu'il veut avoir sur ses interlocuteurs et l'effet obtenu, qu'on lui cache par condescendance.
Morgan, elle, sort des phrases improbables et va jusqu'à inquiéter son interlocutrice en parlant d'assassin. La gêne des personnages correspond à celle des spectateurs devant le flop d'un comique dont on saisit les mécanismes sans pourtant parvenir à rire.


On aurait pu citer ici le coup d'un soir slave de Morgan qui fait irruption couilles à l'air pour tuer Drew, qui semble devoir être drôle au point d'être rappelé dans le générique de fin, et qui n'est qu'une allusion inversée et vulgaire à l'affiche de Rien que pour vos yeux. Ou citer l'astuce d'Audrey consistant à dissimuler la clef USB dans son vagin ...


Comme si humour rimait nécessairement avec bassesse, nudité et vulgarité. Certes L'Espion qui m'a larguée ne chute jamais dans la fange d'un Grimsby, agent très spécial, mais cela ne justifie en rie certains écarts plus déstabilisants que réellement comiques.


Le film remonte dans mon estime sur quelques points qui justifieraient éventuellement l'ajout d'un petit coeur à ma note. Mais ce serait absolument subjectif.
Tout d'abord, un casting intéressant regroupant Gillian Anderson (X-files, Johnny English 2), Mila Kunis (Ted, American Psycho 2), Kate McKinnon (Ted 2, SOS Fantômes 3), Sam Heughan (Outlander, Il était une fois à Castelbury) et Justin Théroux (Maniac, Les Derniers Jedi), qui fait son appel du pied pour camper 007.
Une mention très honorable pour Ivanna Sakhno, qui compose une méchante digne de la Gazelle de Sofia Boutella dans Kingsman et qui entre en Atomic Blonde dans un défilé de haute-couture. Elle participe à relever quelque peu le niveau du film.
Enfin, comment ne pas aimer un film qui s'amuse à tuer Kev Adams en pleine imitation du Daniel de TAXI ? Rien que pour cela, je pourrais porter ce film aux nues.


Mais l'humour souvent plat et facile fait toujours retomber les quelques bonnes trouvailles. Ce qui est dommage car le cocktail était, sur le papier plutôt attirant.


L'Espion qui m'a largué(e).
Un titre alléchant et curieusement plutôt juste.

Créée

le 30 oct. 2018

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Frenhofer

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