L'Homme invisible pète un fusible
Cela fait maintenant plusieurs semaines que je me rends compte que j’ai vu très peu de classiques de l’horreur en fin de compte. Au niveau des Universal Monsters je n’avais vu que Dracula et La Momie par exemple. Des films qui ne m’ont pas fait grimper au plafond mais que je trouve sympathiques. Et c’est malheureusement le cas aussi de L’Homme Invisible. Pourtant j’étais optimiste sur celui-ci avant de le visionner. J’ai cependant pas mal d’éloges à faire mais ils seront plus d’ordre technique qu’autre chose. Tout d’abord quelle photo mes amis, quelle photo ! Le Noir et Blanc est absolument somptueux et le travail fait sur l’éclairage vraiment admirable. A partir de là, tu sais que visuellement au moins tu prendras ton pied. Et à côté de ça, je pense qu’il n’est pas inutile de souligner l’incroyable qualité des trucages. Le film a plus de 80 ans aujourd’hui, une éternité quand même si on prend en compte le fait que le cinéma a environ 120 ans. Et ces trucages restent encore très efficaces même aujourd’hui, mêlant à la fois des superpositions de plans et du bricolage artisanal. C’est vraiment brillant pour le coup, j’imagine la terreur que pouvaient ressentir les spectateurs de l’époque. Mais pour autant je n’ai pas trouvé le film très effrayant, la faute à un climat paranoïaque pas forcément très convaincant à mon goût.
En fait la présence du « monstre » ne se ressent pas par la mise en scène. Whale va juste expliciter la possibilité de sa présence par des dialogues, ce qui ne rend pas l’atmosphère aussi tendue que je l’aurais souhaité. Sans compter que le jeu plutôt sommaire des acteurs secondaires ne vient pas accentuer ça. A contrario si le cinéaste privilégiait davantage le son pour faire ressentir la présence de l’homme invisible, ça aurait pu être vraiment traumatisant. Imaginons une scène où un personnage bien visible est seul dans son salon et entende des bruits de pas ou vois des objets bouger sans crier gare. Brrrrrh…. Après il faut bien sûr remettre les choses dans leur contexte, c’est l’aube du cinéma parlant, les moyens techniques n’étaient pas les mêmes, la caméra difficilement amovible. Et il en va de même pour l’interprétation. Autant j’ai aimé la voix de l’homme invisible qui était inquiétante, autant le reste ne m’a pas convaincu du tout. Mention spéciale à la femme de l’aubergiste que j’ai insulté à plusieurs reprises en menaçant de l’égorger. Bordel ce surjeu atroce… Elle ouvre grand les yeux, elle hurle, elle ne sert à rien… Et le pire c’est qu’on la voit suffisamment à l’écran pour bien se briser les tympans. Insupportable.
Après le film est vraiment bien foutu et divertissant dans son ensemble car la progression du personnage invisible est captivante, on se demande jusqu’où il peut aller dans sa folie. Mais le film ne dure qu’1h10, ce qui est un réel handicap car Whale aborde des thèmes assez complexes qui auraient mérité approfondissement et réflexions. A la fois sur la folie d’un homme qui invente un pouvoir qui l’envahit mais aussi sur la menace invisible, comme celle qui se tramait en 1933. En ça L’Homme Invisible est un film intelligent, ça m’a d’ailleurs beaucoup fait penser à l’Invasion des Profanateurs de Sépulture. Sauf que le Siegel était plus développé que ça, avec une double-lecture intéressante, le rythme était plus posé et l’ambiance très travaillée. 20 minutes de plus n’auraient pas été de trop, avec davantage d’intensité et l’aspect métaphorique du contexte de l’époque plus développé. Enfin dans l’ensemble on a quand même là un film bien sympathique et assez marquant grâce à un « monstre » à la personnalité bien définie. Une bonne découverte tout de même, je m’attarderai volontiers sur les deux Frankenstein en plus des films de la Hammer.