L’Homme qui murmurait à l’oreille de la Femme (et qui trahissait son récit ?)

Je le vois. Nombre de mes compères éclaireurs portent une affection toute particulière à ce long-métrage. Une œuvre d’enfance, générationnelle me dira-t-on ? Pour argumenter ma note, je me sens donc obligé de contextualiser et de vous montrer comment je me positionne par rapport à l’Homme qui réalisa cette œuvre et la Femme qui ma parla un jour de ce film. Vous allez comprendre, lisez plutôt…


Près de dix longues années que je me traine donc cette affiche, profondément ancrée dans ma bibliothèque mentale… Cette silhouette de cheval sur fond jaune reflétant une atmosphère paisible, charnelle et romantique. Une atmosphère qui m’était familière à travers quelques cultissimes œuvres de l’Ouest telles que Brokeback Mountain ou encore Légendes d’automne. Pourtant mon champ de vision aura balayé bien plus d’une centaine de fois cette affiche, noyée dans ma trop grande liste d’envie senscritiquienne. Seul, jamais je me serais lancer le défis de me procurer ce film d’époque. S’ajoute à cela un cinéaste qui m’inspirait que très peu, basé sur de forts aprioris puisque le seul de ces travaux que j’ai pu voir, c’est son Captain America… Oui je sais… Bref. Je voyais l’herbe plus verte ailleurs, systématiquement. Ce film dont je connaissais que le nom était pour moi rien d'autre qu’une histoire de cheval à l’eau de rose.


Des évènements bien étonnants viennent rectifier le tir. Quelques centaines de films plus tard, ma rencontre avec une cavalière adoratrice d’éthologie change la donne. La romance s’accompagne d’un amour progressif pour le cheval, cet animal qui m’était jusqu’alors méconnu. Elle m’initie donc. Après quelques galops légendaires dans les hauts sommets de la Cordillère des Andes et dans les plaines arides du littoral péruvien, ma compagne me parle d’un de ses films d’enfance : L’Homme qui murmurait à l’oreille des Chevaux. Ce film oui, que j’avais mis sur liste d’attente pour une durée, qui semblait, indéterminée. Aujourd’hui portant un amour inconditionnel pour le Wyoming, le Montana et la vie de cowboy, je me sentais enfin prêt.


La mise en scène qui capture le temps et les émotions


Eh bien, le visionnage en valait la peine, mais pas plus que ca non plus. Je m’explique. J’apprécie découvrir un cinéaste qui propose une mise en scène pour retranscrire un mode de vie que nous ignorons, à savoir celui des véritables cowboys du grand Ouest américain. Travaillant actuellement sur les problématiques confrontant le monde rural au monde urbain en Amérique du Sud, la mise en scène de R.Redford me parle. L’accent est mis, spécifiquement dans la première moitié du visionnage, sur cette opposition entre la campagne et la ville ; entre les deux, le temps semble se dilater. Pour l’illustrer le cinéaste présente un enchainement de scènes entrecoupées se passant à Manhattan, une multitude de cut représentatif du mode de vie stressant et rythmé des citadins new-yorkais. Lorsque nous traversons la gigantesque nation en vue divine vers le grand Farwest, les courtes séquences se voient troquées doucement par de longs plans calmes fixes, sur les personnages, et de belles vues aériennes balayant ces grands et vastes terres agricoles. J’ai même gardé en tête un code couleur, peut-être stratégiquement choisi par le réalisateur. J’ai comme souvenir une dominante de noir, des couleurs sombres du moins, symbolisant les moments mélancoliques et maussades de la vie en ville. Celle-ci substituée successivement par une dominante de verts et de bleus, de couleurs plus vives autrement dit. L’opposition entre la dépression, le stress et le calme et la gaieté est installée visuellement. La forme sera complétée par quelques répliques percutantes. J’achète !


Mes autres appréciations seront portées à quelques répliques fortes de sens et à un élément scénaristique précisément. Le personnage de R.Redford exprime dans la deuxième partie de l’œuvre, que la vie dans le monde rural lui apporte une émancipation et une forme de liberté, sur laquelle Annie, le protagoniste féminin, fantasmera. J’apprécie. Le film possède différents modes de lectures en abordant des sujets aussi passionnant que la position de la liberté par rapport à l’amour et aux devoirs d’un individu. Le tout est accompagné d’un humour léger parfois subtil révélant les défauts d’une mère désorientée et d’une société urbaine, jugée astucieusement, d’absurde. C’est fonctionnel et j’aime ca.


La fine limite entre un cinéaste qui propose de surprendre et celui, qui trahit son récit


MAIS, le grand « mais » vient bien entendu pointer le bout de son nez pour justifier une note que Madame 7th art of Sinbad trouve bien basse… C’est ce scénario bancal ! Lui-même issu du monde de la littérature, je sais. J’ignore ce qu’il en est de la justesse d’adaptation, mais quelque part je m’en fiche un peu. Je juge l’œuvre en tant que telle, indépendamment des inspirations. Mon argumentation est la suivante : l’histoire semblait se concentrait sur la jeune Grace et le cheval (aussi). Si j’accepte la romance qui prend de l’ampleur au fil du visionnage, et qui peut (je dis bien qui peut) surprendre, néanmoins je ne comprends pas pourquoi l’intrigue entre la jeune cavalière et son cheval se voit écourtée. J’ai trouvé cela très maladroit et surtout très frustrant. Pour moi, le travail de confiance en soit devait fonctionner, par triangulation, entre le cheval, la fille et la mère. C’est ce que semblait promettre le film en début de récit. Ce, en respectant une forme d’équité dans le scénario et dans la mise en scène. Il n’en sera rien à mon grand regret. Le film prend copieusement la route de Madison et je n’aime pas cela.
Pourtant j’apprécie l’ambiance mélancolique du film, avec ces quelques notes de piano caractéristiques de ces téléfilms américains. Ce n’est en rien une insulte, au contraire, je trouve que le métrage est une sorte de téléfilm deluxe d'ailleurs. Ce qui me donne tout de même envie de découvrir le reste de la filmographie du cinéaste. Mais, voila, vous comprendrez pourquoi j’ai renommé le film, l’Homme qui murmurait à l’oreille de la Femme…

Jordan_Michael
5
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le 5 août 2018

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