Un film génial, savamment orchestré de bout en bout.


Après sa précédente production "L'Attentat", Ziad Doueiri persiste dans cette fine analyse des tensions confessionnelles propres au Proche-Moyen Orient dont on a parfois bien du mal à saisir les tenants et aboutissants du côté de l'Occident.


Cette fois-ci jouant d'autant plus sur les émotions du spectateur, le réalisateur nous invite encore à dépasser les préjugés a priori implacables : le méchant chrétien maronite de base qui se ressasse les discours du jeune président assassiné Bachir Gemayel dans son garage - discours, qui, placés en dehors d'un contexte de guerre civile où malheureusement la loi du talion régnait au sein du Liban des années 75-90, ne sont plus aujourd'hui politiquement corrects dans un pays qui reste traumatisé par les événements terribles ayant il y a finalement encore assez récemment fracturé ses communautés ... vs le gentil palestinien qui ne peut plus supporter la discrimination quotidienne dont son peuple est victime et qui finit par craquer avec "l'Insulte".


Non, les deux protagonistes du récit ont chacun leur passé dont ils conservent des cicatrices indélébiles, sur fond de tensions, guerres et massacres historiques. A partir du moment où le passé douloureux de l'un est révélé à l'autre, chacun se comprend mieux et s'accepte un peu plus. Le fait d'avoir subi des épreuves marquantes dans sa jeunesse est bien le seul point commun des personnages, mais il suffit en ce qu'il s'agit d'une coïncidence si forte et puissante qu'elle permet d'aboutir in fine à une compréhension sinon à un pardon mutuel.


Cet appel à la réconciliation nationale a une portée d'autant plus retentissante lorsque l'on retrace la chronologie de l'oeuvre : d'un problème de tuyauterie amenant une insulte a priori banale se déclenche une affaire judiciaire médiatisée qui déclenchera des émeutes dans tout le pays.


C'est là que réside en particulier le génie de l'auteur, qui parvient à transmettre son message de manière crescendo; à mesure que les minutes passent, la complexité des personnages se dévoile en même temps que les enjeux nationaux et multiconfessionnels.


Pour, enfin, dépasser le petit cadre libanais de 10 452 km², dont le fondement est idéal pour l'auteur, et remettre en question les opinions et préjugés que le spectateur avait pu se forger suite à son expérience personnelle, son entourage et les m'a-t-on dit concernant les supposées fractures entre communautés ethniques et religieuses.


Plus donc qu'un appel à la réconciliation nationale, un appel à la tolérance de l'autre.

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le 12 mars 2018

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