Le geste développé par L’Insulte est fort : inscrire un micro événement dans un contexte géopolitique de plus en plus large, jusqu’à condenser les tensions du Proche-Orient dans une brouille mineure entre un réfugié palestinien et un Libanais.
Mais si le film donne des pistes pour permettre au spectateur peu averti de penser la situation géopolitique du Liban et du Proche-Orient, son intérêt n’est pas que didactique. Le film parvient à avoir un intérêt cinématographique : sa gestion du suspense est par exemple conforme aux préceptes d’Hitchcock, notamment dans la scène où Yasser (le Palestinien) retrouve Tony (le Libanais) dans son garage, a priori pour s’excuser. C’est une scène d’observation entre les deux hommes, on croirait deux personnages de western : la tension s’accumule, au son d’un discours de haine prononcé par un homme politique anti-Palestinien, et si on sait que leur rencontre va dégénérer, on ne sait ni quand ni comment.
Plus généralement, le rythme du film est bien trouvé. Entre ses accélérations, emballements, saturations et temps calmes, le récit n’ennuie ni ne fatigue.
Une fois que commence le procès en appel, le film entame un deuxième mouvement qui apporte de nouvelles idées. Certaines sont pertinentes, et d’autres idées le sont moins.
L’idée que l’avocat de la défense soit la fille de celui de la partie civile n’est utilisée que comme ressort dramaturgique et fait plus ou moins pschitt.
En revanche l’idée qu’un vieil homme défende le conservateur Libanais et qu’une jeune femme défende le Palestinien ajoute au film une autre dimension : il s’agit également de luttes de sexe et de génération.
Ce segment du procès permet aussi de développer une réflexion sur la mise en scène du conflit : les moments de plaidoiries sont très chorégraphiés car les deux avocats maîtrisent les artifices oratoires et les effets dramatiques pour raconter et justifier les agissements de leur client respectif ; les médias s’emparent de cette histoire et enflamment l’opinion publique.
Une limite toutefois, qui a fini par freiner son enthousiasme pour le film, a trait avec cette question de mise en scène du conflit géopolitique. Alors qu’il montre la menace que représentent ces procès-spectacles, le film semble lui-même fasciné par l’efficacité dramaturgique de son récit, et multiplie vers la fin les effets et les retournements de situation… Le film dénonce le spectacle, et se complaît en tant que show presque hollywoodien : c’est un peu hypocrite.
Et puis, finalement, j’ai eu le sentiment que le film simplifie la complexité des enjeux, nuance son propos, non pas pour appréhender plus finement ce qui est en jeu, mais pour conclure que « chacun a ses raisons d’agir » et ne fâcher personne. Le film refuse alors de prendre position, et perd de sa force.
Mais c’est le jeu : ce film n’est pas destiné à être une leçon de géopolitique, ni un manifeste politique. Il atteint son objectif : interpeller le spectateur.