Non, je ne voulais pas voir ce film. Je trouvais - et trouve encore - se bande d'annonce hideuse et pompière. En même temps, Coldplay à fond, une suite de chromos et un côté Bollywood, ça faisait peur. Et puis vinrent les critiques. Dithyrambiques. Mes amis aussi. Je me disais, bon, peut-être que.

Vint donc le temps de voir le film, en VO et 3D évidemment. Premier constant : la technologie est au point et semble justifiée. Images lumineuses (tout comme le récent Hobbit, ce qui est bon signe pour la suite) et un joli relief d'agrément. Le générique d'ouverture est un petit bijou d'humour et de joliesse zoologique, assez dans l'esprit de la bande d'annonce mais curieusement ça ne choque pas. La longue introduction du film, dont j'avais entendu des échos négatifs, s'avère extrêmement plaisante et parvient même à me passionner sur la question de la foi - qui sera centrale au film mais parfois s'égarera un peu. J'aime beaucoup le personnage de Pi enfant, qui veut croire en tout et qui s'intéresse à tout. Ang Lee surprend déjà dans ce prologue avec des plans d'une beauté renversante, utilisant la 3D avec malice. Ainsi de cet oncle au physique curieux, nageant dans une piscine parisienne comme s'il volait en plein ciel.

Puis c'est le début des hostilités : une scène éprouvante et remarquable de naufrage qui n'est pas sans rappeler Titanic, mais avec un zèbre à la place de Kate Winslet. Ou bien était-ce aussi Kate déguisée en zèbre, difficile à dire. Blague à part la séquence est très impressionnante et la 3D se fait agressive et efficace. Après ce quart d'heure sans répit démarre la plus longue partie du film, à savoir la fameuse "odyssée" du titre français. C'est celle-là même qui me faisait douter de l'intérêt de l'entreprise. Pourtant tout ou presque fonctionne. Du premier affrontement entre les passagers du canot de sauvetage, sommet de cruauté bestiale à la longue cohabitation entre Richard Parker (le tigre) et Pi, l'ennui ne s'invite que rarement et en fin de parcours. Les images sont splendides et ne cèdent au kitsch ou au ridicule que dans de brefs moments qui ne sont pas forcément les plus spectaculaires. Pour le reste, la technologie 3D et images de synthèse est au top, et le film alterne humour, jaillissements (du tigre, de poissons, d'autres trucs) et survival plus classique.

Seulement il y a des défauts : la musique est souvent complaisante et très redondante, le film tourne brièvement au grotesque en fin de parcours (l'île de mangoustes fluo, euh...), et surtout outre la splendeur visuelle qui est de mise, le montage repose souvent sur des effets d'une grande laideur : fondus en tous genres, surimpressions, incrustations... Comme si on avait confié le montage à un gamin découvrant Windows Movie Maker et ses effets cheaps. Je ne parle pas du contexte d'énonciation, banal mais qui débouche sur une conclusion périlleuse et plutôt étonnante qui invite à se remémorer toutes les invraisemblances du récit pour les mettre en perspective.

Reste un grand spectacle familial visuellement magnifique, ode à la nature, à ses puissances, ses mystères et sa cruauté qui se double d'une réflexion philosophique - pas toujours bienvenue ceci dit - et théologique sur la foi et ses différentes manifestations. Convaincant, malgré ses défauts.
Krokodebil
7
Écrit par

Créée

le 11 janv. 2013

Critique lue 860 fois

13 j'aime

8 commentaires

Krokodebil

Écrit par

Critique lue 860 fois

13
8

D'autres avis sur L'Odyssée de Pi

L'Odyssée de Pi
Filmosaure
9

Prière cinématographique

Ang Lee nous a montré au cours d’une filmographie hétérogène qu’il était capable du meilleur comme, si ce n’est du pire, tout au moins du médiocre (oui toi Hulk, je te regarde). L’on tend à retenir...

le 4 déc. 2012

74 j'aime

10

L'Odyssée de Pi
Gothic
8

Le patient Ang Lee.

Attention, ça spoile et y'a pas de quoi s'poiler ! Le spectre d'une adaptation cinématographique du livre de Yann Martel planait depuis 2002, et après plusieurs réalisateurs pressentis, c'est...

le 10 mars 2013

71 j'aime

5

L'Odyssée de Pi
SeigneurAo
10

Above all, don't lose hope.

ABSOLUMENT AUCUN SPOILER ! Pour d'obscures raisons d'incompétence notoire ou d'ingérence des producteurs, Life of Pi restera surtout pour moi un rendez-vous que j'ai failli manquer avec un...

le 10 janv. 2013

70 j'aime

47

Du même critique

Rush
Krokodebil
8

Le bec de lièvre et la tortu(rbo).

Pourquoi aimé-je le cinéma ? On devrait se poser cette question plus souvent. Elle m'est venue à l'esprit très rapidement devant ce film. Avec une réponse possible. J'ai d'ailleurs longtemps pensé...

le 29 sept. 2013

126 j'aime

12

Mister Babadook
Krokodebil
7

Mother, son, wicked ghost.

La cinéma australien au féminin est fécond en portraits de femmes un peu paumées, ou complètement névrosées. Il y a les héroïnes têtues et déterminées de Jane Campion, les monstres effrayants (Animal...

le 31 juil. 2014

102 j'aime

10