C'est rageant... Il a fallu que je rencontre Tran Anh Hung pour prendre conscience d'une vérité pas forcément agréable à savoir quand on apprécie le cinéma. Cette vérité, c'est que les cinéastes qui ont une véritable sensibilité artistique et un véritable savoir-faire ont beau être rares, et ils ont beau être véritablement passionnants à écouter, il n'empêche que leurs films peuvent être malgré tout de véritables calvaires à regarder. A mes yeux, Tran Anh Hung fait partie de ces cinéastes qui ont un réel talent, et pas besoin de le rencontrer pour le savoir puisqu'il suffit de regarder ces films pour s'en rendre compte. Ce "Norwegian Wood" est plastiquement somptueux et l'ambiance qu'il parvient à distiller est d'une remarquable cohérence avec les intentions de son auteur. Seulement voilà, aussi maîtrisé ce film soit-il, il n'en reste pas moins que, me concernant, ce film a été vécu comme un loooong moment à passer (2h30 ! Ce n'est pas rien !) durant lequel on se contente juste de voir la jeunesse japonaise des années 60 s'éveiller péniblement. Que ça colle à la réalité ou pas, personnellement je m'en fous ; moi je sais juste que quand on me donne à voir 2h30 de gens névrosés qui pleurent ou se suicident à tour de bras parce que leurs mœurs leur interdisent de s'exprimer, de s'assumer ou de se raisonner, moi ça me donne envie de rentrer dans l'écran pour tous les secouer un bon coup. Au lieu de ça, comme c'est évidemment impossible, j'ai attendu péniblement, en espérant que Watanabe, Naoko et Midori se décoincent un petit peu le mollusque pour commencer à vivre des choses qui, pour moi, font partie des éléments du vivant. Eh oui, c'est triste, mais Tran Anh Hung a beau être un gars sympa et un très talentueux formaliste, son cinéma m'emmerde au possible. Alors je sais que certains monteront au créneau pour dire qu'au contraire, tout le talent de ce film est dans la retenue, le non-dit, l'érotisme pudique – et d'ailleurs si vous vous reconnaissez dans ce discours allez voir ce "Norwegian Wood" tête baissée ! – mais il est aussi des gens qui, comme moi, s’exaspèrent face à cette retenue qu'ils vivent comme de la rétention ; ce non-dit qu'ils perçoivent comme du rien-dit ; et surtout cet érotisme cul-cul-la-praline-coincé-du-cul qu'ils peuvent légitimement ressentir comme une douloureuse illustration de la misère sexuelle. Si vous aussi ce type de cinéma vous ennuie profondément, assumez-le, et ignorez ce film quel qu'en soit le joli manteau critique dont il sera certainement ceint... Cette vérité est certes dure à assumer, mais il y a des cinéastes qu'ont apprécie mais dont on n’encaisse pas les films. "Norwegian Wood" n'en est qu'une triste illustration me concernant. Pourquoi s'infliger un tel calvaire quand on peut s'en dispenser ? Voilà qui est dit…