Quand le noir et blanc apparait tout en couleurs.
La Belle et la Bête ou la découverte de l'univers de M. Jean Cocteau dans mon cas est un véritable moment de féérie où l'amour du cinéma vient se mélanger à un conte cruel et beau, une histoire d'amour théâtrale et des décors ahurissants de charme et d'ingéniosité. Et si le film a certains défauts, il faut l'admettre, il encourage le cinéphile que j'espère être à continuer le voyage dans cet univers tout à fait différent, il me semble.
Que dire sinon que les histoires de mon enfance refont surface, ces moments où le soir je lisais une histoire et les sentiments qui vont avec : la peur, la joie, le suspense, l'incompréhension... Tout est concentré dans un film d'un peu moins de deux heures qui malgré des effets spéciaux forcément vieillissants convainc encore de la réalité de la Bête. Car c'est de cela qu'il s'agit : faire réagir l'enfant enfouit profondément dans l'adulte que nous sommes en le mettant toutefois en garde, il faut vouloir y croire pour se laisser emporter dans ce monde où la magie est belle et bien là, palpable et acceptable.
Bien que très enfantin le film ne part jamais dans la niaiserie, bien au contraire. Face au sort tragique de la Bête, dont on ne connait pas le passé, force est de constater qu'elle est attachante. Toujours ambigüe, le personnage joué par un Jean Marais tout ce qu'il y a de plus théâtral et pourtant parfait dans le rôle est attachant et effrayant à la fois, les paillettes nous apparaissent comme preuve de sa bonne volonté et pourtant ses victimes nous mettent en garde : que va-t-il arriver à la Belle ?
Une histoire d'amour pas comme les autres et parfois même plus crédible que la plupart des films français de nos jours où la névrose, la bipolarité n'est qu'un cliché parmi tant d'autres. La Belle est douce, délicieuse et même naïve si bien qu'étant le parfait opposé du monstre qui la retient, elle va réussir à s'y attacher. Retenue contre son gré et contrainte de subir tous les jours la même question redoutée, "Voulez-vous être ma femme ?", elle ne pourra s'empêcher de promettre de revenir, d'avoir peur pour le sort de son geôlier, de vouloir l'aider à contrôler ses pulsions. Tout cela sans qu'à aucun moment on ne cesse d'y croire, sans qu'à aucun moment on veuille sortir de ce monde.
Et si l'histoire est très bien adaptée, il ne faut pas oublier l'attirail technique du film, mélange évident de costumes élaborés, d'heures de maquillage interminables et d'astuces dans les décors qui étonne encore de nos jours. Quelle effroyable surprise que de voir des bras allumer les chandelles du couloir du hall d'entrée, ou bien d'en voir un autre servir du vin à table. Les statues épient les mouvements des protagonistes qui fatalement tomberont sur la Bête, maître incontesté des lieux. Le spectateur est émerveillé de toutes ces prouesses techniques mais attention, pas de 3D, pas d'écrans verts, juste l'art de personnes vouées au cinéma et au message qu'il fait passer : il n'y pas de limites à l'imagination, pas d'âge pour rêver, il suffit de se laisser transporter.
Seul petit bémol au film, des raccords parfois maladroits ou trop nets qui peuvent empêcher l'immersion totale dans un univers qu'on devine malgré le noir et blanc tout en couleurs. Et c'est bien dommage quand on voit les efforts fournis et les qualités techniques du film. Sinon, tout n'est que conte de fées et ça fait du bien, de retomber en enfance.