À l’extrémité ouest de la Baltique, l’esprit scandinave s’est aidé du climat pour conserver un esprit de phalanstère plein de conviction : on l’avait déjà vu dans Together de Lukas Moodysson, la communauté anarcho-pacifique est encore à la mode dans cette société nordique où l’ouverture d’esprit ne semble guère connaître de fluctuations. Seize ans après Moodysson, Vinterberg reproduit l’environnement de sa propre enfance, une vie collective gérée avec une conscience quasi-politique où la classe moyenne se convertit à une nouvelle ère hippie sobre & qui semble prête à s’écrouler au moindre tremblement de la trame sociétale.


Je dis ”nouvelle” car le régisseur n’entend pas rendre évidente la transposition dans le passé, ce qu’il a en commun avec son homologue : 1970 ou 2000, les différences sont polies le plus possible (sauf au niveau automobile) & le scénario semble être indifféremment compatible à deux époques que tout oppose sur le papier, telle une réconciliation des mœurs à travers l’image & le temps.


Vinterberg étant entièrement maître de son sujet – ce dont on se rendra compte même sans connaître son vécu réel –, il joue les bons accords d’un bout à l’autre. Il reproduit une candeur d’enfance dont il nous enseigne aussi sa propre désillusion, dans une symphonie objective & nostalgique où tout – une voiture, un immeuble, une personne – semble jaillir du néant & être apprécié comme une découverte.


Un peu trop renfermé sur lui-même à cette fin, le film ne distingue pas vraiment équilibre & euphorie, de sorte que l’innocence devient un peu caricaturale & qu’on a l’impression de s’égarer dans les souvenirs les plus flous du réalisateur – toujours dans le cadre de cette thèse arbitraire mais séduisante qu’on intègre son propre passé. Et puis c’est voulu, aussi : difficile d’en être mieux convaincu que par la scène dont le thème est la mort qui est accompagnée par le son on ne peut plus joyeux de Goodbye Yellow Brick Road d’Elton John.


L’humeur n’est pas à l’absurde cependant : s’il l’on peut aisément blâmer Vinterberg d’avoir tracé une frontière manichéenne entre la joie & le malheur par abus d’insouciance, il ne prétend pas avoir d’autre rôle que celui d’un passeur de vie dont se dégagent des sensations ”new new age” au registre léger & qui convainquent par le seul plaisir simple de les sentir positives. C’était ça, l’état d’esprit hippie.


Quantième Art

EowynCwper
5
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le 27 janv. 2020

Critique lue 86 fois

Eowyn Cwper

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