La Dernière Piste nous présente l'histoire de trois couples de pionniers qui -alors qu'ils comptaient partir à la conquête de l'Ouest- sont égarés à cause de l'incompétence de Meek, leur guide bravache; plongés dans les immensités poussiéreuses et inhospitalières de l'Ouest américain, le groupe erre à la recherche d'un point d'eau (denrée dont ils commencent à manquer) et d'un chemin qui les rapprocherait de la destination initialement prévue...


Reidchart ne fait pas dans le spectaculaire et nous offre un Western bien davantage intimiste que crépusculaire: la progression laborieuse des caravanes -dont les grincements de roues résonnent de façon crispante dans le silence relatif du film- au sein d'un paysage désolé, les scènes nocturnes (qui font partie des plus riches en indications sur le relationnel des protagonistes) répétées, le rythme lent, la quasi absence de musiques (la réalisatrice préférant user de bruitages et sons naturels pour faire office de fond-sonore) et le peu de dialogues comme les personnages plutôt en retrait dont la fatigue se fait de plus en plus palpable au fur et à mesure de l'avancée de l'histoire; nous menant bien loin du conventionnel Western, plein de morceaux de bravoures, de combats agités et de musiques épiques.
L'ensemble obtenu est très particulier, les éléments précédemment évoqués contribuant à conférer une ambiance pesante, pleine de non-dits, à ce curieux film.


Le point le plus osé -et déconcertant- du film tient sans doute en sa scène final: le dénouement tragique qui semblait annoncé dès les premières minutes n'a finalement pas lieu et l'étrange fin (qui peut nous renvoyer à la théorie du chaos et de la destruction, énoncée par Meek concernant la femme et l'homme dans le premier tiers du film) nous laisse en pleine indécision quant à ce qu'il va advenir des protagonistes; l'abandon de Meek -la destruction- face à la décision de Mme Tetherow -le chaos- de suivre l'indien, semble indiquer qu'ils vont vers quelque chose de "nouveau" (que ce nouveau soit positif ou négatif est laissé à l'appréciation du spectateur) dont nous ne saurons rien (fait frustrant s'il y en est -qui laisse toujours l'impression de s'être bien fait arnaqué- mais qui octroie peut-être une dimension supplémentaire au propos).


La Dernière Piste se révèle au final être un film difficile d'accès dont la tonalité et les partis pris particuliers pourront nuire à l'adhésion du public (surtout si le public en question s'attendait à un vrai western), mais dont le cheminement comme les questions laissées sans réponse ne manqueront pas d'intriguer... Décontenançant mais loin d'être inintéressant: un film qui laisse songeur.

crapule
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le 19 déc. 2015

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