Cette critique contient des spoilers sur le twist final du film.


Par bien des aspects, La Fille du train renvoie au Gone Girl de David Fincher; sociopathie et manipulation dans un couple mêlé à une affaire de meurtre, tromperie, faux-semblants, ambiance et mise en scène glaciales pour un film qui se veut renversant. De fait, son principal problème est d'être sorti après, et d'avoir pas été mis au point par un artiste de l'acabit de Fincher.


C'est en effet Tate Taylor qui le réalise. Déjà à l'oeuvre sur La Couleur des sentiments et Get on up, il sort du film revendicateur pour s'intéresser au thriller psychologique à chute, l'exercice de style lui coûtant en habileté, en fluidité, en justesse de propos. Lui qui s'était intéressé à plaider la cause afro-américaine se pose désormais en dénonciateur, au travers d'un divertissement finalement plutôt commun, des violences faîtes à l'égard des femmes.


Hommes manipulateurs ne voyant rien d'autre en la femme qu'un objet à posséder, il nous raconte l'histoire de cette Amérique banlieusarde qui palie à la laideur de ses moeurs par la superficialité de ses extérieurs de maison, des quelques moments de bonheur pris au détour d'un train qui passe, et de ces amants qu'on ne devrait pas voir mais que notre héroïne, Liam Neeson au féminin, devait croiser pour faire avancer l'intrigue.


Alcoolique, dépressive, l'on dirait le mélange des personnages de Neeson dans Non-Stop et The Passenger : commune anti-héroïne, elle avance avec le spectateur dans l'intrigue pour lui montrer, à mesure que l'enquête se lance et que tout semble l'accuser, que la rédemption viendra après qu'elle ait arrêté de boire. Chemin de pénitence et d'aide bénévole, la fille du train se place comme l'éternelle représentante de la mélancolie au cinéma : alcoolique par nécessité de devoir supporter un passé qui l'aurait tuée, battue, manipulée, trahie, c'est qu'on aimerait la voir devenir Uma Thurman face à Bill, pour aller régler son compte à l'autre salaud de Tom Watson, interprété par un Justin Theroux qui, par son manque de charisme, permettait la crédibilité des faux-semblants de départ.


Histoire tortueuse s'il en est, on pourra lui reprocher un certain côté prévisible; il est vrai que l'histoire peine à sortir des sentiers battus, et si l'on sent que ses meilleures idées sont en fait des emprunts au bouquin d'origine, il paraîtra tout aussi évident que les trop nombreuses coupes gâcheront la fluidité de la narration, en même temps que la crédibilité de l'intrigue. Parce qu'on se retrouve face à des twists qui viennent trop vite, et sur lesquels on ne s'appesantit pas assez; la révélation que le psy n'est pas un amant est amenée sans appui, sans montrer plus que cela la démarche qu'entreprend Emily Blunt; certes pertinent pour le rythme, ces ellipses narratives rendent l'histoire quelque peu brouillone et tangente, pas arrangée par une mise en scène terne sans grande inspiration pour ses plans les plus recherchés.


Grisâtre à la Nolan, ratant où Fincher réussit à surprendre son public, Tate Taylor n'est pas à l'aise et cela se sent : plans trop longs, séquences coupées trop tard quand l'écriture fait des raccourcis, ton trop lent pour sa volonté de captiver, La Fille du train rate le coche que Gone Girl épousait dès ses débuts : celui de créer suffisamment de mystère autour de ses personnages pour que le spectateur puisse élaborer tout un tas de théories fausses et, au final, en deçà de ce qu'aura pu lui apprendre le film. C'est ainsi ce qui gâche une partie du plaisir éprouvé : on pense ici à tout un tas de possibilités de meurtriers, crédibles et originaux scénaristiquement, pour tomber sur une révélation qu'on avait écarté du fait de sa banalité, et qui ne surprend de fait pas.


L'oeuvre nous laisse la drôle d'impression d'avoir passé un moment seulement agréable devant un film destiné à bien plus; potentiel gâché s'il en est, La Fille du train manque d'assurance et de pertinence dans son propos, tant il se contente d'effleurer la superficie d'un problème véritable entre hommes et femmes, de cette volonté de dominer l'autre par les coups, les insultes, la manipulation. Et quand vient la tromperie, et que l'amante devient la femme, il paraît logique de se dire que le schéma recommencera. Voilà le propos du film, simple et court, quand il nous promettait tellement plus. Un plaisir en demi-teinte rattrapé par la performance de son trio infernal : Emily Blunt alcoolique, Rebecca Ferguson en meilleure actrice du film (et loin des péripéties avec Tom Cruise), puis le charme de la belle Haley Bennett.

Créée

le 10 mars 2019

Critique lue 297 fois

1 j'aime

FloBerne

Écrit par

Critique lue 297 fois

1

D'autres avis sur La Fille du train

La Fille du train
sebastiendecocq
4

Un sous-Gone Girl, faiblard et tape-à-l'oeil

L’adaptation du best-seller de Paula Hawkins, La fille du train, joue de malchance. En effet, le film sort en même temps qu’Inferno (à quelques jours d’intervalles), un « Da Vinci Code 3 » qui attire...

le 28 oct. 2016

28 j'aime

4

La Fille du train
Plume231
2

Gone Girl !!!

Tout d'abord, une petite précision, je n'ai pas lu le roman original donc en conséquence évidemment je ne peux pas faire de comparaison livre-film. Maintenant, là où c'est difficile de ne pas...

le 6 janv. 2017

20 j'aime

7

La Fille du train
Black-Night
8

Critique de La Fille du train par Black-Night

La Fille Du Train est un très bon film. Adaptation du roman éponyme que je n’ai pas lu, nous avons ici à faire à un très bon thriller mystérieux dans la veine de Gone Girl sans en atteindre...

le 13 nov. 2016

19 j'aime

2

Du même critique

Les 4 Fantastiques
FloBerne
2

Des fois c'est dur d'être un geek... Putain mais quelle purge !!

Dans le ptit bled paumé où je passe le clair de mes vacances s'est proposée une expérience pas commune : voir le film "Les 4 Fantastiques" en avant première. Nourri d'espoirs et d'ambitions, je me...

le 4 août 2015

35 j'aime

42

Marvel's The Punisher
FloBerne
8

Miracle et drama

Saison 1 : 9/10. Au cinéma, nombre de personnages se sont fait massacrés pendant des décennies, sans vergogne ou une once de progrès. Les comics aussi ont été touchés par cette mode de la destruction...

le 13 déc. 2017

33 j'aime

4