Revenir sur l'essence du cinéma des frères Dardenne serait vain tant l'apparente simplicité de la mise en scène, cache, en réalité, une puissance sociale souvent vigoureuse. Au centre des griefs de festivaliers cannois assoiffés de sang, le duo doublement palmé proposent ici une version, dit-on, remodelée.
L'effroi du choix moral, le dilemme. C'est ainsi que l'on pourrait définir l'obsession des metteurs en scène dans l'esquisse psychique de leurs personnages, incroyablement humains. Toujours taillée dans l'insoutenable réalité, LA FILLE INCONNUE, est bien un film des frères Dardenne. Les deux premiers tiers du métrage nous insufflent, donc, l'anxiété du docteur Davin - Adèle Haenel, impeccable -, en parallèle de la peinture sociale, toujours biseautée au scalpel. Dès lors, personne ne cherche vraiment à secourir la doctoresse, et la disparition certaine d'une prostituée n'est qu'une broutille, aussi bien aux yeux des inspecteurs de police que de la majorité des citoyens.
Tandis que le secret est de plus en plus difficile à dissimuler, l'inavouable éclate dans de factices et surprenant sanglots. Comment expliquer, à contre-cœur, ce climax raté, étonnamment creux, qui ne dégage ni empathie, ni vraisemblance. C'est sans doute l'amertume qui domine en fin de séance, alors que les lumières surprennent une audience manifestement déçue.