Film naturaliste, film nature, film matière, film corps, film chair. Chef d’œuvre provocateur dont la subversion agit dans ce qu’il peut révèler en nous, de nous, nous qui nous laissons aller dans nos désirs les plus féroces, sans considération pour rien d’autre. Il livre violemment la solitude d’hommes bourgeois qui abandonnent la vie aux pulsions, qui se tuent de plaisir. Il est dans le nihilisme, la depression, la lassitude d’un monde et la volonté de le délaisser par un trépas hédoniste. L’extase ultime avant la mort, ou avant l’extase de la mort même pour ces hommes pour qui l’existence ne signifie plus rien. Flatulences se substituent lentement à art et poésie, matière à conscience, exaltation somatique à toute pérennité de l’esprit. Décrépitude et insanité font surface par l’exacerbation de toute pulsion physique. C’est la culture, tout ce qui a trait à l’esprit qui trépassent dans le marasme scatologique de cette fièvre consommatrice. Tout est matière au sein de ce film car l’esprit se doit de se dérober graduellement, se fendre au néant, et le corps de retourner à ce qu’il est essentiellement, nature, matière. Un festin frivole et en somme macabre, dont le grotesque initial et superficiel recèle un désespoir profond, une crise existentielle que l’on s’évertue à assouvir à coup de plaisirs corporels excessifs. Une grande bouffe comme tentative vaine et vaniteuse de pallier l’inanité de l’existence, de lutter contre l’insatiabilité de ces hommes. En définitive une grande bouffe délirante, suffocante et incessante comme suicide par le charnel.
9/10

Filmipe
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les meilleurs films avec Marcello Mastroianni et Les meilleurs films de 1973

Créée

le 16 juin 2020

Critique lue 232 fois

9 j'aime

Filmipe

Écrit par

Critique lue 232 fois

9

D'autres avis sur La Grande Bouffe

La Grande Bouffe
BiFiBi
8

Le plaisir de mourir

(Attention, critique susceptible de contenir des spoilers) Marco Ferreri est un réalisateur que j'admire beaucoup, tout autant pour sa détermination à dépasser sans cesse les frontières posées...

le 29 oct. 2010

64 j'aime

3

La Grande Bouffe
Grard-Rocher
8

Critique de La Grande Bouffe par Gérard Rocher La Fête de l'Art

C'est un bien surprenant week-end que vont passer quatre copains: Ugo, un restaurateur, Michel, un réalisateur de télévision, Philippe, un juge et Marcello, un pilote de ligne. En effet ils ont...

42 j'aime

15

La Grande Bouffe
socrate
3

Manger pour mourir

Il ne suffit pas d'avoir les bons ingrédients pour réussir la recette. Marco Ferrerri avait pourtant tout pour réussir son plat, avec une excellente idée de départ et cinq comédiens formidables, à...

le 30 août 2011

26 j'aime

5

Du même critique

M. Pokora
Filmipe
1

Critique de l'album M.Pokora de Matt Pokora

Dès l’intro Saga 05 de son Magnum Opus M.Pokora, le chansonnier éponyme nous enjoint à pénétrer son univers mystique et explosif. Rythmé par de subtils « Matt Pokora » et « Bienvenue chez moi », cet...

le 5 nov. 2020

5 j'aime

2

Chronique d'Anna Magdalena Bach
Filmipe
10

Critique de Chronique d'Anna Magdalena Bach par Filmipe

L’œuvre de Bach est de celles qui, empreintes d’une foi ardente et inébranlable, parviennent à interroger les athées, les agnostiques et autres déistes sur leur rapport au divin. Par ailleurs, le...

le 29 oct. 2020

4 j'aime

Annie Hall
Filmipe
8

Critique de Annie Hall de Filmipe

Œuvre largement autobiographique de l’auteur new yorkais, évoquant ses différentes relations, par le biais d’Annie Hall et de deux ex-femmes. Très libre dans la narration, qui brise avec subtilité le...

le 1 avr. 2020

4 j'aime

2