En constatant avec désarroi certaines critiques injustes, un fan tel que moi se devait de rendre justice à ce film devenu depuis sa sortie - disons-le sans complexe - mythique. Et bien que je sois prêt à croire qu'on puisse ne pas être séduit par l'univers de Star Wars, il faut au moins lui concéder de nombreux mérites. Il semble en effet que, le film ayant été un succès depuis bientôt 40 ans, d'aucuns voient la situation ainsi : "si ce film est populaire, c'est qu'il n'est pas profond, car le spectateur lambda n'aime pas ce qui est réfléchi". Il s'agit donc ici de rendre justice et de faire hommage à l'un des piliers du cinéma moderne.


Bien avant le merchandising scandaleux entourant Star Wars - merchandising qui fit passer George Lucas de "réalisateur talentueux en devenir" à "homme d'affaire uniquement intéressé par le profit de sa saga" -, il y avait le rêve d'un jeune cinéaste de créer un film qui serait tout à la fois un clin d’œil à la science-fiction pulp de son enfance et un hommage au western et au cinéma de Kurosawa; ainsi fut créé Star Wars, ainsi naquit cette histoire. D'aucuns prétendront n'y voir là que le pillage de sources aussi variées qu'hétéroclites mais il y a selon moi quelque chose de bien plus subtil dans ce film.



Le scénario



Lorsque le jeune George Lucas découvre les films de Kurosawa dans son école de cinéma, il tombe amoureux du style du réalisateur. Du maître japonais il empruntera les fameuses transitions en panneau, les costumes japonais, certains plans iconiques et surtout la trame scénaristique de La Forteresse Cachée. Mais Lucas ne se contente pas d'emprunter, il ré-invente. Il adapte sa source à son inspiration : c'est ainsi que naquirent R2D2 et C-3PO. De la même manière, il puisera dans la littérature épique de l'Antiquité et du Moyen-âge ses personnages archétypaux (le jeune homme, la princesse en détresse, le vieux sage, l'ennemi juré, etc.), ses étapes fondamentales (la mise à l'épreuve, la forteresse sombre, la bataille) et toute la réflexion qui s'y rapporte. Mais comme toujours, il transforme ces éléments en y transposant un contexte de science-fiction. Du western, il récupère le désert de Tatooine, ses règlements de comptes et ses contrebandiers. D'ailleurs, la cantina n'est pas sans rappeler certaines scènes de Sergio Leone. Et en ce qui concerne les Stormtroopers qui ne savent pas atteindre leur cible, ils sont uniquement là pour symboliser le danger dans cette histoire de conte de fée : en effet, a-t-on déjà vu un héros brûlé par le dragon qu'il devait tué ? Et c'est cette dimension quasi-Christique (ou Arthuréenne d'ailleurs, il ne faut pas s'arrêter à cela) qui a séduit le public.



La performance des acteurs



Sans prétendre avoir révolutionné quoique ce soit dans la manière de jouer, il serait tout à fait injuste d'accuser le film d'être mal interprété : les acteurs confirmés comme Alec Guinness (qui recevra pour ce rôle une nomination en tant que Supporting actor) ou Peter Cushing et les jeunes recrues (Carrie Fisher, Mark Hamill et Harrisson Ford, qui deviendra la star que l'on connaît) proposent une interprétation sincère des personnages qu'ils incarnent. C'est cette véritable alchimie entre les trois jeunes acteurs qui apportent une joie unique au visionnage et si communicative. A cela s'ajoute la performance vocale exceptionnelle de James Earl Jones qui confère à Darth Vader sa stature iconique de "villain".



Les aspects visuels du film



Le public semble parfois bien peu sensible à la richesse visuelle que recèle Star Wars. Sans être exhaustif, je m'intéresserai à quelques éléments qui ont par ailleurs été récompensés aux Oscars. Les costumes, d'une part, démontrent d'une grande variété d'inspiration : uniforme militaire nazi, kimono, armure japonaise des stormtroopers, sans oublier le costume de Chewbacca, Greedo et bien évidemment celui de Darth Vader. Les décors, ensuite, sont absolument splendides: les locations extérieures sont parfaitement mises en valeur, et les scènes à l'intérieur des vaisseaux ont été si marquantes qu'elles ont définies le standard pour toute une science-fiction à venir. Et si l'on s'intéresse à la photographie ou la mise en scène, on retrouve la même recherche de la part de George Lucas ; grâce à ses trouvailles, le char des sables semble gigantesque, les combats de vaisseaux sont calqués sur des archives de la seconde Guerre Mondiale, et surtout la mise en place de longs plans fixes évoque l'influence de Kurosawa sur Lucas. Enfin, il faut rappeler qu'il est à l'initiative des effets spéciaux modernes. Tel Stanley Kubrick sur 2001 l'odyssée de l'espace, Lucas se voit dans l'obligation de créer ses propres effets spéciaux pour parvenir au rendu qu'il désire. Il ne faut pas oublier que la scène du module de sauvetage a été la première complétée en CGI. J'attire également l'attention sur la scène de l'hologramme pour laquelle Lucas a filmé Carrie Fischer sur une table tournante afin d'obtenir différents angles et obtenir un rendu tridimensionnel, car, je le répète encore une fois, Lucas avait du talent.



Les aspects auditifs du film



Avec ce film, John Williams compose une des plus grandes, voire la plus grande, musique de film qu'il ait été donné d'écouter. Lui qui avait composé des musiques plus pop et disco redonne avec ce film le goût de la musique symphonique au cinéma, celle que l'on admire chez Bernard Herrman, qu'on savoure chez Maurice Jarre, et qui étincelle de nouveau grâce à John Williams. Cette musique est d'une telle présence et d'une telle efficacité narrative et dramatique, qu'elle suffit à elle seule à justifier le terme de "space opera". C'est le genre de composition qui vous donne 6 thèmes inoubliables quand celles d'aujourd'hui ne nous en laisse aucun. Mis à part la musique, il faut saluer tout le travail sonore qui a été mené et sans lequel Star Wars ne serait pas ce qu'il est : les sabres lasers, le ventilateur de Darth Vader, le vol des chasseur Tie sont autant d'exemples pour démontrer l'inventivité dont a fait preuve Ben Burtt sur le projet Star Wars.


Ainsi, il est bien difficile en si peu de mots de donner un aperçu complet des qualités de ce film. Rappelons néanmoins que le film est 13e sur la liste AFI's Top 100 au côté de Psycho et de 2001, A space Odyssey, ce qui n'est certainement pas anecdotique. J'invite ainsi tout spectateur à regarder ce film comme une œuvre d'art et non comme un simple divertissement, car si de nos jours succès a de plus en plus tendance à rimer avec pauvreté, il n'en était pas de même autrefois et ce fut exactement le cas avec 2001, A space Odyssey et Psycho.

Créée

le 20 mai 2015

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Quentin Pilette

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