L'autre visage de la trinité DC

Gods and Monsters avait été une excellente surprise lors de sa sortie en 2015. Le chemin avait été préparé par 3 web-épisodes qui mettaient l'eau à la bouche. Un univers DC totalement différent, similaire à aucun comics, jouant la carte du elseworld beaucoup plus à fond qu'on ne le voit habituellement. Il ne s'agit pas de prendre un Bruce Wayne et de faire dévier son histoire par exemple. Non exit les figures classiques. Superman, Batman et Wonder Woman servent juste de noms pour la forme, les êtres sous ces masques ont des histoires bien différentes de celles que nous connaissons.

On pourrait pourtant penser le contraire quand le film s'ouvre sur la genèse de Superman. Une krypton qui explose, un enfant dans une navette... mais d'une part un grain de sable assez choquant se glisse dans l'engrenage, d'autre part cette histoire est la seule des trois à respecter les grandes lignes du héros habituel. Le reste du long-métrage nous prépare d'excellentes surprises.

Les deux premiers tiers forment un must-have pour tout spectateur occasionnel de l'animation super-héroïque. On nous présente une Justice League qui sous des allures dark, demeure une trinité super-héroïque. Collaborant avec le gouvernement américain, nos héros interviennent quand bon leur semble, frappe sans pitié, ne laissent aucun survivant. Un courant anti-JL anime l'opinion publique, et pourtant dans les faits ils protègent bien la Terre.

Le spectateur est donc placé entre deux eaux au début du film, et on souhaite en apprendre davantage tant sur l'idéologie de nos héros que sur leurs origines pour se faire un avis plus posé. Le déroulement du film repose donc sur une double dynamique, d'un côté les flashbacks ponctuels sur nos héros ou leurs réflexions sur leur passé, de l'autre une enquête policière dans une affaire de meurtre en série... où tout semble accuser la JL. Entre paranoïa, complot, fascisme, quête des origines, l'ensemble pose une identité assez unique pour un long métrage DC.

Le côté enquête policière est franchement bien mené, avec la piste du projet Fairplay progressivement remontée par Batman et Superman. Le côté complot est lui aussi excellent, avec par exemple ce qui arrive juste après la rencontre au sommet avec Lex. Et concernant les origines, on a des scènes très fortes : un Superman qui voit ses illusions sur l'héritage moral qu'il croyait porter détruites, une Wonder Woman dont le cœur fond d'amour pour mieux se muer en pierre face à la cruauté des siens, un Batman qui n'a jamais eu que deux amis, rejetté comme un monstre par les autres. Gods and Monsters c'est bien le titre de ce long-métrage, de cette étrange trinité qui s'est autant formé pour imposer sa vision de l'ordre, que pour permettre à ses membres de se fournir les béquilles émotionnelles dont ils avaient besoin (on a une phrase très belle de Batman qui demande à Sup pourquoi il l'avait ramassé dans le caniveau, pourquoi il l'avait recueilli en le trouvant perdu, un rat dans la bouche).

D'un point de vue technique enfin, ce film jouit d'une animation particulièrement fluide et agréable. Si les designs sont solides mais manquent de brio, le ressenti de la violence brute et sale est bien transmis par le graphisme et c'était un prérequis nécessaire au propos de fond. On a également la voix profonde et complexe de Dexter pour ne rien gâcher.

Il reste un dernier quart d'heure final moins réussi, moins abouti et sombrant par moment dans un déferlement d'action pour tenter de palier à certaines failles. Vis à vis de ce que le film réussit par ailleurs ce n'est pas si grave, mais cela lui nuit tout de même. En particulier au second visionnage où cette sensation de mauvaise note finale ne passe pas.