Les spectateurs évoluent avec le cinéma, et il devient de plus en plus difficile de les surprendre et de leur faire croire à la véracité de ce qui se passe, en un mot de leur faire peur. C'est sans doute pourquoi aujourd'hui, énormément de réalisateurs se réfugient au royaume des "screamers", ces scènes où un individu surgit brutalement, destinées à vous faire sursauter à 3 mètres de hauteur. Des effets qui se contentent de taquiner nos réflexes primaires et qui sont bien souvent la signature des films sans idées, qu'on oubliera dès le jour suivant.

Mais revenons à nos moutons, et à La Maison du diable, sorti en 1963. Bien des films d'épouvante de cette époque, qui firent trembler les salles, se regardent aujourd'hui sans l'ombre d'une frayeur. Eux aussi avaient leurs ressorts bien à eux, qui ne sont que rarement efficaces sur les spectateurs du XIXème siècle. Même certaines scènes de Psychose (1960), film que je vénère, se regardent parfois avec un certain amusement, certains effets ayant mieux vieilli que d'autres...

Mais ce n'est pas le cas de ce film, qui pour moi représente l'essence même du film d'épouvante. Plutôt que d'utiliser divers artifices qui ont si souvent confiné la portée des films d'horreur à une certaine époque ou à un certain public, La Maison du diable va plus loin. Ce film a touché et touche encore des publics de toutes les époques et de toutes les catégories. Pourquoi ? Parce qu'ici, Robert Wise s'attaque à ce qu'il y a de plus terrifiant, notre imagination.

Évident, n'est-ce pas ? Pourtant, peu de films réussissent à se tenir strictement à cette "essence" de l'horreur, voulant toujours en faire trop au final, au risque de briser l'effet. La Maison du diable, au contraire, ne nous donne quasiment rien à nous mettre sous la dent, se joue de notre esprit, distillant les éléments de peur avec une parcimonie extrême. Dès lors, tout est permis dans notre pauvre cerveau. Je suis sûr que, sans en avoir conscience, chaque spectateur fait appel à des peurs profondément enracinées en lui pour reconstruire ce qu'on ne lui montre pas. C'est là qu'est tout le génie : qui pourrait-être le meilleur architecte de la peur du spectateur, si ce n'est le spectateur lui-même ?

J'ai l'impression d'énoncer beaucoup de banalités, mais ce n'est que pour souligner l'intelligence de La Maison du diable. Ce n'est pas un film qui fait peur, c'est un film sur la peur à l'état pur. Est-il terrifiant ? Non... Et pourtant, d'un autre côté, peut-être l'est-il bien plus que toute la soupe ensanglantée que l'on nous sert aujourd'hui.

Dans 50 ans, il est possible que nous regardions les films d'horreur actuels d'un air blasé. Mais il y a fort à parier que La Maison du diable, qui touche non pas à une "peur réflexe" mais à nos peurs profondes, fera toujours frémir les âmes sensibles... Prenez-en de la graine, maîtres des screamers !

Ma scène préférée : BOUM. BOUM. BOUM........
BastienCl
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le 8 juin 2013

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BastienCl

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