L'Antre de la folie (le vrai)
Tout comme dans le film de John Carpenter, beaucoup plus récent, le thème de la folie est au cœur de La Maison du diable. En revanche, le traitement en est radicalement différent. Tout dans La Maison du diable est suggéré, rien n'est montré, et c'est cela que fait sa force. C'est une question de logique finalement, pour faire croître la peur chez le spectateur, il faut bien souvent une progression dans l'intensité des événements qui sont sources de peur, c'est ce que tous les films du genre fantastique/horreur/gore utilisent depuis toujours : des événements de plus en plus impressionnants/terrifiants. Par exemple: une porte qui s'ouvre, une ombre puis une apparition ensanglantée, un meurtre bien gore, une poursuite dans une cave qui finie dans une pièce de sacrifice satanique etc....Or, le problème c'est que cette recherche du toujours plus est vaine et stérile : il n'y a pas de corrélation entre l'horreur présentée et l'horreur ressentie, sans parler de la distance mise entre ce qui est montré et ce que cela évoque aux spectateurs. En effet, même si montrer une poupée en train d'égorger un enfant peu paraître horrible (et l'est probablement !), la puissance de cette situation est drastiquement diminuée par l'improbabilité évidente de la chose. La Maison du diable prend le parti inverse et ne s'inscrit pas du tout dans ce schéma. La terreur dans ce film vient de la force suggestion, par un subtile mélange d'ambiance sonore (bruits de fond, bruits en arrière-plan, mots évocateurs bien choisis), de procédés visuels (décors confus/chargés de détails qui brouillent la perception visuelle, jeux avec les miroirs) ainsi que de l'utilisation de peur existantes que tout spectateur peut ressentir et comprendre : peur du noir, peur de la folie, peur d'avoir envie de faire l’expérience de la folie (tout comme le vertige peu être définie comme la peur d'avoir envie de sauter dans le vide, il est possible d'avoir envie d'être fou pour fuir la réalité), peur de la solitude,peur de faire face à la réalité (matérialisée par la scène de l'enfant qui refuse de voir sa mère mourante au début du film que le père force à regarder), peur de l'inconnu en général. L’ambiguïté permanente entre l'explication rationnelle et surnaturelle renforce la crédibilité des événements vécu par les protagonistes et fait de ce film une gigantesque métaphore de la peur inconsciente, incontrôlable, de l'inconnu à qui il ne faut pas céder en refusant de voir la réalité, ce qui reviendrait à lui donner accès à nos peurs intimes et irrationnelles ainsi qu'aux traumas de notre enfance.
Malgré ses nombreuses qualités ce film possède pour moi quelques petits défauts qui font qu'il n'est à mes yeux pas parfait. L'introduction est un peu trop lourde (beaucoup d'insistances sur le passé étrange/maléfique de la Maison), certains dialogues ont mal vieilli (un peu kitch/gros ou trop connotés de leur époque, mais peut-on leur en vouloir ?) et le film prend son temps au début au risque d'une certaine lenteur même si cela participe probablement à l'ambiance. Techniquement, le film a vieilli et profiterait beaucoup d’une technique sonore plus récente (par exemple pour le son des coups dans Paranormal Activity qui sont très intéressant, surtout le rendu au cinéma). De même, pour les standards du film d’épouvante d’aujourd’hui, le nombre de scènes intenses et leur audace à quelque peu perdu de sa superbe. Mais ces quelques menus défauts ne sauraient entacher profondément ce film qui brille véritablement par ses acteurs, ses personnages ultra-bien définis sans être caricaturaux et son ambiance extraordinaire.
Au final, une excellente expérience qui aurait pu devenir mon film d’épouvante préféré…. Si je l’avais vu plus tôt/jeune !
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J'ai aimé :
- les acteurs et leur jeu d'acteur
- l'ambiance sonore oppressante
- les personnages contrastés et intéressants
- l’aspect psychologique très intense et la force de suggestion des scènes (la scène de la main dans le noir !! Qui n’a jamais eu peu de tenir la main de quelqu’un pour se rendre compte que ça ne pouvait pas être cette personne)
- la mise en abyme et les parallèles entre anciens/nouveaux personnages mais également entre personnages et spectateur par l'intermédiaire des peurs communes et l'accès aux pensées de la principale protagoniste.
Je n'ai pas aimé :
- la technique sonore dépassée
- l’introduction trop lente
- un léger manque dans le nombre d’éventements supranormaux et leur audace qui aujourd’hui parait un peu faiblarde