Dans la filmographie de David Cronenberg, « La Mouche » demeure le titre le plus connu parce qu’il condense les obsessions du réalisateur. Le film mêle triangle amoureux où s’exprime la jalousie et SF classique. L’idée de base du film (un scientifique qui fusionne sans le vouloir avec une mouche) est un prétexte : il s’agit avant tout de parler de la fragilité du couple face à la maladie. Le film nous interroge sur notre capacité à aimer l’autre dans l’adversité, le dépérissement physique et le vieillissement. L’affection peut-elle dépasser le dégoût ? Le maître de l’horreur médicale au cinéma va ici encore plus loin que dans ses précédentes œuvres dans la description de la transformation du corps humain suite à une expérience scientifique (« Chromosome 3 », « Scanners », « Vidéodrome »). Comme d’habitude, le réalisateur se focalise sur son sujet sans esbroufe (sauf peut-être la scène du bras de fer). L’essentiel de l’action se déroule dans l’entrepôt qui sert à la fois de laboratoire et d’habitat au savant. Jeff Goblum interprète ici son meilleur rôle. L’actrice Geena Davis a vraiment du charme. Le film fonctionne essentiellement grâce à ce couple et aux différentes phases de la métamorphose du savant. Avec les premiers symptômes, j’ai beaucoup aimé les performances physiques (y compris sexuelles) du scientifique. Ensuite, la dégradation du corps (perte des cheveux et des ongles, des dents, vomissements et acidité gastrique) renvoie à des maladies bien réelles comme le cancer. Quant à la progéniture monstrueuse dans le ventre de l’être aimée, on pense bien sûr au SIDA. Véritable chef-d’œuvre du cinéma fantastique, il s’agit du plus gros succès commercial du réalisateur.