10 ans après l'Otto e Mezzo de Fellini, Truffaut (Ferrand) nous présente sa propre vision des affres de la création. Sur le tournage joyeusement chaotique de "Je vous présente Paméla", le réalisateur est seul au monde. On a beau lui chercher un allié dans son équipe : les dates butoirs hantent le producteur, ses acteurs sont tantôt alcooliques, diva, instables émotionnellement, capricieux - quand ils survivent - et ses assistants aussi peu intègres. Monsieur Ferrand est metteur en scène. Celui "à qui l’on pose sans arrêt des questions à propos de tout.". Le centre d'une galaxie aux astres déviés, curieux, comiques, tragiques, inspirants - presque tout à la fois.
Cependant, le réalisateur ne "perd pas le Nord", comme le constate ironiquement l'actrice Julie Baker (Jacqueline Bisset). Certes, il doit faire des sacrifices, des renoncements, revoir sans cesse ses ambitions à la baisse. Mais Ferrand tire le meilleur de ses moyens, allant jusqu'à s'inspirer des chagrins et caprices de ses comédiens. Après tout, "La vie a beaucoup plus d'imagination que nous.".
Plus leader qu'artiste, presque insensiblement pragmatique, il se détache du Guido tourmenté qu'avait interprété Mastroianni. Seul, il a ses certitudes : "Des gens comme toi, comme moi, tu le sais bien, on est fait pour être heureux dans le travail, dans notre travail de cinéma.". Seul, il est passionné : avec ses rêves d'enfance et Citizen Kane, avec ses angoisses de distribution. Seul, il est imperturbable : en période d'écriture, il écarte froidement tout potentiel obstacle.
De l'équipe, on connaît les marottes, les potins, les défauts. De Ferrand, on ne connaît que les motivations profondes. Son bon sens et son sang froid en font un chef d'orchestre. Il connaît sa mission, son équilibre : "Les films sont plus harmonieux que la vie. Il n'y a pas d'embouteillages dans les films, pas de temps mort. Les films avancent comme des trains, tu comprends, comme des trains dans la nuit.".
Des doutes, Truffaut en a certainement, mais d'une autre dimension. Son personnage survole. Et interroge : "Je tourne toujours autour de la question qui me tourmente depuis trente ans : le cinéma est-il plus important que la vie ?".