Inspiré d'une légende suédoise du XIVè siècle, La Source présente forcément un schématisme scénaristique qui pourra en déranger plus d'un. Ainsi, dès le départ, la situation présentée est manichéenne entre la famille pieuse et laborieuse, la fille traitée comme une princesse et la sœur adoptive, Ingeri, qui s'est laissée engrosser par le premier venu et donc déconsidérée par les membres du clan. Comme un conte, la jeune fille pure part pour un voyage à travers la forêt au cours duquel elle croisera la route du mal, personnifié par trois vagabonds qui la viole puis la tue. Ces trois hommes, à la recherche d'un abri, profitent de l'hospitalité de la famille de leur victime sans connaître les liens entre la jeune fille et leurs hôtes.
Comme dans Le Septième Sceau, on est face à une histoire médiévale baignant dans le religieux, ce qui peut rendre le propos du film parfois abscons pour qui n'est pas familier de l'histoire religieuse de la Suède. Cela est donc sans doute l'aspect le moins intéressant du film. Au-delà de cet aspect, Bergman parvient à créer un excellent film d'ambiance. Cela passe notamment par son utilisation des décors, en particulier de la forêt, d'abord magnifique et qui peu à peu semble devenir inquiétante au fur et à mesure que les deux jeunes femmes s'enfoncent dans leur macabre périple. Aussi, la folie semble contaminer peu à peu cet univers, notamment lors de la rencontre avec le gardien du pont, faisant presque verser le film dans le conte horrifique. Pas étonnant que cette histoire fût récupérée plus tard par le cinéma de genre des années 70.
Mais également, il faut citer à nouveau le travail fabuleux de Sven Nykvist, dont la photographie participe à l'ambiance déployée par le film, avec des éclairages géniaux sur les visages boueux des protagonistes permettant de ressentir à la fois le côté laborieux de cette Suède médiévale mais aussi la dimension maléfique de certains personnages. Certains plans et leurs jeux d'ombres ne sont pas sans évoquer par ailleurs le travail de Stanley Cortez sur La Nuit du Chasseur. Enfin, impossible de passer sous silence la prestation de l'immense Max Von Sydow en père de famille pieux et qui va devenir tueur par vengeance, et qui impose toute sa stature imposante dans ce rôle.