La Tourneuse de pages par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Mélanie à dix ans rêve de devenir une pianiste virtuose. Pour en arriver là, ses parents qui tiennent une boucherie d'une petite ville de province ne ménagent pas leur peine,notamment le père qui rêve d'une telle situation pour sa fille. Mélanie doit passer un concours au conservatoire dont la présidente du jury est la célèbre pianiste Ariane Fouchécourt. Mélanie débute sûre d'elle sa prestation, malheureusement, à la suite d'une maladresse de la présidente, la fillette se désunie et rate son examen. Dix ans plus tard, Mélanie entre comme stagiaire chez un avocat dont Jean Fouchécourt est le directeur. La jeune fille gagnant la confiance de celui-ci va accepter de s'occuper de son fils afin d'épauler son épouse durant ses déplacements. C'est à ce moment que Mélanie découvre que la femme de l'avocat n'est autre que la présidente du jury qui, dix ans plus tôt, a brisé son rêve de pianiste. Ariane dévorée par le trac à la suite d'un choc psychologique dû à un accident, propose à Mélanie de devenir sa tourneuse de pages et son soutien moral lors de chaque concert. Toutefois la jeune fille mortifiée va préparer sa vengeance...


C'est un film remarquablement construit et intelligent auquel Denis Dercourt nous convie. En effet Mélanie est issue d'une famille simple et rêve de gloire grâce à son amour de la musique. Pour cela, elle sacrifie des heures entières à répéter et atteint pour son âge une technique pianistique indéniable. L'examen est le tournant de sa jeune existence et là, à la suite de la désinvolture dune célèbre pianiste, en l'espace de quelques minutes, son rêve s'écroule. Elle ferme à clef son piano, rongée par les regrets,gagnée par la rage et le dégoût face à une telle injustice. Celle-ci reste enfouit en elle et va rejaillir au contact de sa persécutrice dix ans plus tard. Le climat de vengeance va s'installer et se développer lentement par petites touches jusqu'à atteindre son paroxysme de la manière la plus inattendue et machiavélique qui soit.


Des scènes révélatrices se succèdent subtilement tout au long de cette oeuvre très originale Les applaudissements, les louanges et la gloire dont jouit Ariane est pour Mélanie qui aurait pu connaître les mêmes plaisirs une flèche qui lui est tirée en plein coeur. Au lieu de cela, elle reste sur scène comme dans les coulisse le personnage oublié et délaissé malgré son rôle indispensable. Pour Mélanie, rongée de haine et de dépit, le rêve se mêle donc au cauchemar dans ce milieu très fermé et élitiste de la musique classique.


Cette analyse juste et subtile sur l'échec d'une passion d'enfant qui marque une vie est remarquablement servie par Catherine Frot absolument sublime dans son rôle de grand personnage public sensible et fragile malgré les apparences. Elle nous livre l'une de ses plus belle prestations et nous démontre qu'elle est une formidable actrice. Face à ce monument du cinéma, Deborah François est une très belle révélation dans son rôle. Elle interprète de fort belle façon un personnage tout en retenue, sobre et mystérieux. Ce duo d'actrices nous enchante et même, si le film est austère par son climat et son déroulement, que le temps passe vite tant cette réalisation est originale et passionnante!

Créée

le 22 août 2013

Modifiée

le 21 août 2013

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