"La vengeance de l'indien" ou Reprisal (Représailles) est un western de Georges Sherman réalisé en 1956 que je considère comme important en terme de signification et de message.
Georges Sherman a réalisé beaucoup de films parfois inégaux, régulièrement très bons comme "les indomptés", "Tomahawk" ou "Chief Crazy Horse". Là , à mon avis, il a réussi un coup de maître.


Malheureusement ce film de série B, de durée 74 minutes, avec des acteurs peu connus, n'est jamais sorti en salle, a fait une carrière à la télé et est opportunément ressorti chez Sidonis pour notre plus grand bonheur.
Est-ce que le sujet gênait en 1956, est-ce que 1956 est une année de beaucoup de grands westerns ayant éclipsé celui-ci ?


La vengeance de l'indien est un western sur le racisme dont je sors révolté à chaque visionnage. Le film n'esquive pas le problème du racisme et le racisme y est latent, palpable.
Tavernier dans son bonus précise que le scénario - excellent et précis - est tiré d'un roman d'un certain Arthur Gordon qui est natif de Géorgie et qui découvre à son retour de la 2ème guerre mondiale en Europe, les ignominies qui se sont produites pendant ce temps dans son village natal sur des noirs. Il en a écrit un roman stigmatisant ces comportements qui a été transposé par les scénaristes en Arizona au XIXème siècle où le racisme s'exerçait cette fois sur des indiens. Mais le message est parfaitement le même.


Le film est extrêmement puissant et efficace même s'il n'y a pas de scène spécialement violente. Mais tout, personnages et action, pousse dans le même sens.


Le film commence - comme souvent - par l'arrivée d'un cavalier (Guy madison) dans une petite ville après une vue panoramique de la campagne qui s'achève sur un arbre mort d'où pendent deux cordes.
Le cavalier arrive dans une petite ville déserte car tout le monde assiste à un procès infâme dans le saloon où trois frères accusés de meurtre sur un indien sont acquittés contre la volonté du juge et du shérif, sous les yeux de quelques indiens présents qui étaient, comme on dit, les témoins du crime et la partie civile.
Seule une femme ( Felicia Far, grande habituée des westerns de Delmer Daves) tente de se battre en vain contre ce jugement inique.
Le cavalier qui arrive vient d'acheter une propriété voisine des fameux "trois frères" et va, évidemment, très rapidement se heurter à eux. Pour des questions touchant les indiens mais aussi pour des questions de barbelés sur la prairie.


En réalité on découvrira assez vite que le nouveau propriétaire est un métis aux traits physiques parfaitement blancs, fils d'une indienne, qui revient au pays après avoir acheté légalement ces terres (dont on se doute, au passage, qu'elles étaient aux indiens avant l'arrivée des blancs)


On a ainsi tous les ingrédients d'une situation explosive.
Ce qui est particulièrement intéressant est que le réalisateur plonge profondément dans le concept du racisme.
Par exemple, le personnage joué par Felicia Far est farouchement pro-indienne et anti-raciste. Quand elle était enfant, elle jouait avec des petits indiens qui étaient ses amis :*On ne fait aucune différence quand on est enfant *. Et pourtant le jour où son amour pour le nouveau propriétaire (Guy Madison), se trouve face à l'amour que lui porte une jeune indienne, la haine ressort et le mot "squaw" réapparait si naturellement ...


Et côté mise en scène, Sherman y a mis tout son talent.
On a déjà parlé de la scène d'ouverture du western qui met dans l'ambiance sans perdre de temps.
Sherman n'hésite pas à mettre les visages des trois frères (les méchants) en plus gros plan que celui des gentils, histoire de les stigmatiser et d'accentuer leur noirceur.


La scène où le personnage de Guy Madison est entraîné par la foule haineuse et hurlante pour se faire lyncher est filmée frontalement et à hauteur d'homme. La scène fait peur (au spectateur) car tout semble désormais foutu. Lorsque brusquement, quelqu'un s'oppose (derrière la caméra, dans le dos du spectateur, donc) face à la foule en apportant l'alibi dédouanant le personnage de Guy Madison, la caméra brusquement s'élève et se positionne en plongée sur la foule se délitant aussitôt et laissant seul Guy Madison au milieu de la place. Splendide.


Une autre scène doublement intéressante : celle de l'expédition punitive des trois frères et de leurs "supporters" fortement imbibés au quartier indien de la ville. La scène est principalement filmée en plongée laissant découvrir la misère des maisons indiennes et, surtout, place le spectateur en position d'observateur et pas de complice.


Pour finir, Sherman nous convie à une très belle scène, poignante, entre le personnage de Guy Madison et un vieil indien.


Certes c'est un très beau film pro-indien mais il ne faut pas oublier le contexte du scénario élargissant la question du racisme au delà de la question indienne et au delà du XIXème siècle.

JeanG55
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le 30 juin 2021

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