Grand Corps Malade, poète et artiste reconnu, avait agréablement surpris le conseil de classe national en s’attaquant à la prose cinématographique en 2017. GCM, déjà accompagné par son Monsieur clip, Mehdi Idir, avait passé l’oral final en présentant un premier film à forte valeur autobiographique qu’ils nommèrent Patients . Patients, ils ne le furent pas véritablement puisque seulement deux années se sont écoulées depuis ce premier examen, certes imparfait mais prometteur qui leur a notamment permis de recevoir les applaudissements du public français et celui du Festival Premiers Plans d’Angers (1,2 millions d’entrées).


En 2019, tandis que l’été arrive à sa fin, la paire de réalisateurs a préparé sa liste de fournitures, parée à répondre à la nouvelle attente suscitée par un premier bulletin de note probant. Pour ce nouvel examen intitulé La vie scolaire, Grand Corps Malade et Mehdi Idir sont placés au premier rang de la salle de classe, la mèche sur le côté, les lunettes rondes sur le nez, garnis de bons sentiments et presque trop studieux. Comment leur en vouloir ? Dans cette récitation par cœur, les réalisateurs manquent d’originalité dans l’écriture d’un scénario- non pas des dialogues, où les poncifs du film d’école sont déjà vus et revus : rentrée des classes, les conditions de travail du corps enseignant face à l’indiscipline des élèves, leur niveau médiocre et les espoirs envolés depuis bien longtemps, l’absence de pouvoirs publics et de structures pour les accompagner dans un autre système qui leur convient mieux, la tension des bagarres à la récréation, la réalité sociale et économique pesant sur le quartier, les clash contre les professeurs, et la fameuse séquence du rendu des notes… Malgré l’incroyable vitalité des jeunes et l’humour qui teinte l’entièreté du film, les bonnes blagues se comptent autant que les enfants de banlieues qui brisent le plafond de verre, trop de raté pour véritablement apprécier les très bonnes blagues. Autre regret, les personnages secondaires sont bien distingués mais trop stéréotypés et parqués dans une case telle des automates qu’on actionne pour un mouvement précis, pour une mimique ou bien pour une phrase répétée.


Le résultat d’un bon audio et d’un bon visuel, arts dans lesquelles performent chacun des réalisateurs, ne converge pas systématiquement vers une oeuvre cinématographique de qualité. L’audiovisuel est régi par d’autres composantes qui, les unes avec les autres, les unes pour les autres offrent un ensemble complexe et attractif. Ici une forme d’artificialité rompt la tension palpable des quartiers et des véritables problématiques des banlieues et des banlieusards (à la différence de Les Misérables) qui sont seulement soulignées par certaines phases dialoguées. Comme diraient de nombreux scénaristes : show, don’t tell. Et de ce drame, qui est présent mais toujours souligné par des ajouts musicaux pompeux pour souligner les scènes « fortes » on ne ressent que trop peu d’émotions. L’effet est inverse et on a peu de considération pour ces personnages qui ne sont pas tiraillés par de véritables conflits, autres que ceux de la cour de récréation. Par ailleurs, Zita Hanrot, de Soufiane Guerrab et la jeune surprise Gaspard Gevin Hié sont particulièrement bons, au même titre que la B.O qui, quand elle n’appuie pas pâteusement une scène dramatique, est véritablement entraînante comme l’illustrent deux scènes de montages très intéressantes : le plan séquence des adolescents qui se rencontrent avant d’aller à l’école et la scène de montage de la première instru au rythme des flûtes.


À défaut d’avoir surfé sur la vague de Patients, Grand Corps Malade slame sur une vague indomptée en y mettant des mots justes sans pour autant y insuffler de la vie.


À retrouver sur mon blog : https://lestylodetoto.wordpress.com/

thomaspouteau
4
Écrit par

Créée

le 5 juil. 2019

Critique lue 888 fois

2 j'aime

2 commentaires

thomaspouteau

Écrit par

Critique lue 888 fois

2
2

D'autres avis sur La Vie scolaire

La Vie scolaire
Sullyv4ռ
8

Le poste de clown de la classe n'est pas rémunéré

Je ne pensais pas avant d'aller voir ce film que je me retrouverais submerger par tant de nostalgie. Même si j'étais impatient de voir ce que Grand Corps Malade avait concocté après le film Patients,...

le 31 août 2019

63 j'aime

2

La Vie scolaire
Zolo31
7

Wesh Moussa, j’te connais, mec de mon bâtiment !

J’ai bien failli faire l’impasse sur ce film mais nous étions le 31 août et il me restait deux tickets de cinéma à utiliser dernier délai, donc retour vers l’enfer du 9-3, bien planqué cette fois-ci...

le 1 sept. 2019

34 j'aime

10

La Vie scolaire
AnneSchneider
7

Ode aux combats de l’école républicaine

Enfin de belles nouvelles de Saint-Denis ! Le Collège des Francs-Moisis existe, implanté dans le quartier du même nom, et nommé, dans la réalité, Collège Federico Garcia Lorca. Mehdi Idir, le...

le 14 août 2019

31 j'aime

Du même critique

La Panthère des neiges
thomaspouteau
8

L'affût enchanté

Jusqu'alors, je n'avais du souvenir de lecture du livre éponyme de Sylvain Tesson qu'un duo : lui, le virevolteur de mots, celui aux semelles de feu qui a écumé le monde et ses angles morts (Sylvain...

le 15 août 2021

33 j'aime

6

The Chef
thomaspouteau
7

Cuisine ouverte

Désormais, et c'est le cas dans le long-métrage The Chef réalisé par Philip Barantini, la tendance est à la cuisine ouverte. Cette dernière exhibe ses formes et ses couleurs face à la pièce à vivre,...

le 2 nov. 2021

25 j'aime

3

Les Sorcières d'Akelarre
thomaspouteau
8

Portrait de jeunes filles en feu

Faire mien les mots du poème La Femme et la flamme d'Aimé Césaire pour peindre Les Sorcières d'Akelarre qui est "un dragon dont la belle couleur s'éparpille et s'assombrit jusqu'à former l'inévitable...

le 29 nov. 2020

23 j'aime

2