Un chouette casting pour cette comédie dramatique qui fleure bon le trio de potes vieillissant qui ont autrefois fait les quatre cent coups ensemble, mais qui aujourd'hui savent tenir leur sérieux face à une situation que l'on ne souhaite à personne : le décès du fils de l'un d'eux lors de la guerre d'Irak. On est tout en compassion avec le personnage endeuillé de Steve Carell (qui décidément est tout aussi excellent dans le registre dramatique que comique) jusqu'au moment où un petit soldat révèle la vraie nature de la mort du fiston, et l'énorme mensonge éhonté de l'Armée Américaine. On se sent alors plonger dans la colère et l'envie de distribuer des claques à ces généraux qui ne respectent pas assez ceux qui sont morts sous leurs drapeaux pour assumer la vérité sur leur décès (il est plus facile de dégainer le "il est mort en héros" à chaque cercueil drapé qui passe, que de révéler à leur famille que le jeune homme est mort pour une bouteille de Coca ou une autre futilité, ce qui entacherait la sacro-sainte armée...). On suit donc avec un pincement au cœur ces trois amis qui affrontent le manque d'honnêteté, le manque de respect aux morts mais aussi aux vivants qui doivent faire leur deuil, le manque d'intérêt aux soldats (leur décès suit un schéma bien triste : quelque soit le contexte, on les entasse dans un hangar froid avec des chaises pliantes pour faire un deuil-express, "il est mort en héros", on serre la main aux proches, on recommande de ne pas ouvrir le cercueil et on fait disparaitre les preuves au cimetière militaire...). Le film prend même le temps de nous montrer le vrai sens du dicton "un petit mensonge vaut parfois mieux qu'une pénible vérité", avec l'histoire d'un ancien camarade de guerre que les trois amis ont dû achever sur le terrain, et qui font un crochet par la maison de la mère après trente ans de silence honteux, pour finalement ne pas se sentir assez forts pour briser la joie de cette dernière de croire aveuglément au mensonge donné à l'époque par l'armée (la pauvre mère bafoue sans le savoir la mémoire de son propre fils). On voit bien le changement du fond dans ce mensonge-là : ici les menteurs n'ont rien à gagner, et le font par pure charité. Une jolie scène de partage entre ces quatre personnages qui contraste avec la précédente scène de deuil "numéro dans un grand hangar". Heureusement, on alternera le tragique avec le comique, car parmi la bande de potes, on trouve un alcoolique cynique et grande gueule (très bon Bryan Cranston), un timide et touchant solitaire (impeccable Steve Carell) et un curé qui doit tenir les rênes des deux autres dans cette aventure atypique (une redécouverte de Laurence Fishburne). Ils abusent de l'alcool, taquinent le petit soldat qui leur sert d'accompagnateur, se rappellent les grosses bêtises du passé, achètent des téléphones mobiles pour s'appeler plus souvent à l'avenir ou se faire de mauvaises blagues (le "Allô ? C'est Dieu." fait au curé nous a bien fait rire), clairement on les adore. Chacun à leur manière, ils portent cette épreuve de la vie (avec foi, cynisme ou douleur), mais s'en sortent admirablement, et la fin nous aura fait soupirer de bonheur. Dommage qu'il soit un brin long avec ses 2h05, car Last Flag Flying a beaucoup à nous dire sur les belles paroles pour sauver l'honneur d'une institution, sur le travail difficile du deuil de son enfant et sur les amitiés qui perdurent toute une vie. Un beau porte-drapeau du respect.

Aude_L
7
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le 8 mai 2021

Critique lue 116 fois

Aude_L

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