Le Château dans le ciel
7.9
Le Château dans le ciel

Long-métrage d'animation de Hayao Miyazaki (1986)

Imaginez-vous un château ... Un château dans le ciel. Que voyez-vous ? Une promesse de richesse et de trésors somptueux ? Un symbole de puissance et de domination ? Une relique d'un âge d'or ancien, à jamais perdu ? Une formidable aventure en perspective ?


Sans doute, nous y verrons tous quelque chose de différent, archétype de notre désir le plus profond.


C'est donc avant tout à leurs fantasmes que vont se heurter les différents protagonistes de ce conte, dont le rythme intense ne doit pas nous distraire des considérations qu'il soulève.


C'est d'abord dans un monde à la verticalité exacerbée que nous sommes plongés. Un monde où les hommes s'échinent à forer sans relâche de tentaculaires mines à la recherche des ressources qui leur permettront d'atteindre les cieux, embarqués dans des aéronefs de fer et de vapeur. Pris dans leur élan industriel, ils s'enterrent toujours plus profond dans l'espoir de s'élever plus haut, subtil paradoxe emprisonnant les hommes dans un clivage qui apparaît bien absurde. Car il ne semble y avoir que peu de différences entre ceux qui creusent et ceux qui volent, tout embarqués qu'ils sont dans leur fuite en avant, ils en oublient d'où ils viennent et ce qui compte : la terre qui les fait vivre. C'est de la rencontre inopinée entre ces deux facettes d'une même pièce que va naître notre histoire quand une jeune fille du nom de Shita tombe du ciel pour atterrir dans la vie de Pazu, un garçon du même âge travaillant à la mine ...


Inopinée ?


On pourrait le croire de prime abord. Mais à mesure que l'intrigue se déroule et que le voile se lève sur le passé de nos deux héros, on en vient à penser qu'il n'y a guère de hasard là dedans. Ils se verront forcés d'affronter ensemble un destin qu'ils n'ont pas choisi, marchant sur un chemin délimité par les conséquences des actes de leurs ancêtres. Serait-ce alors les péchés du Père qui viendrait corrompre l'innocence des enfants ? De fait c'est là ce qui vient contraster cette histoire de bout en bout, l'opposition radicale entre l'innocence de nos jeunes héros, qui n'ont pour autant rien de naïf, et la malice des adultes qui ne semblent motivés que par le péché d'avarice.


Gardons nous pour autant de tout manichéisme réducteur. Cette cupidité est bel et bien omniprésente mais elle se décline de bien des manières entre les différents protagonistes au regard de leurs désirs profond :



  • Les mystérieux hommes du gouvernement ont soif de pouvoir bien plus que de richesses et savent se montrer cruels et manipulateur dans leur quête. En cherchant à assouvir leur fantasme de domination, ils réveilleront des puissances qui dépassent les simples hommes au mépris des leçons du passé. Le désir mènera à leur destruction.

  • La cupidité des soldats de l'armée vient gangréner leur sens du devoir et de l'engagement. Avec comme seul moteur l'avarice, ils perdent leur libre-arbitre et leur prudence. Le désir annihile leur capacité de réflexion.

  • Les mineurs du village natal de Pazu sont de braves gens, mais l'appât du gain et la nécessité de simplement vivre les fait creuser la terre sans relâche et sans mesure dans de rudes conditions. Le désir les mène à la soumission.

  • Les pirates du ciel, rustres et avides de richesses à première vue, semble finalement plus en quêtes d'aventures que de trésors et renoue en quelque sorte au contact de nos héros avec leur âmes d'enfants. Ils réapprennent à surmonter le désir

  • Seul exception, Papy Pom, ce vieux mineur solitaire qui arpente les galeries abandonnées pour parler aux pierres, semble s'être affranchi de l'emprise d'un désir qu'il sait destructeur pour l'homme et ce qui l'entoure, au point d'en être effrayé.


En cela la dimension initiatique de ce voyage concerne finalement moins nos jeunes héros que les personnages qu'ils rencontrent et confrontent à la perte de leur propre innocence. A noter qu'ici innocence n'est pas synonyme de naïveté mais bien d'une pureté qui trouve sa source dans l'humilité et la simplicité permettant une compréhension plus honnête du monde mais surtout de soi.
C'est toujours avec cet état d'esprit que nos jeunes héros vont surmonter les épreuves qui les attend dans leur ascension jusqu'au joyau du ciel : la cité volante. Là ils pourront être les témoins de toutes les folies touchant les hommes soumis à leurs désirs : vanité, arrogance, cruauté et colère. C'est ensemble qu'ils assisteront à la chute de la forteresse des anges corrompues, coupables d'avoir usurpé, par orgueil et avarice, une place qu'ils ne pouvaient assumés.


Sans doute avons-nous tous un château dans le ciel, archétype de notre désir le plus profond. Mais ne devenons pas aveugles à trop regarder le soleil.

Fandango_Funebre
9

Créée

le 4 janv. 2017

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