L'invitation au voyage

Comment ne pas être éhabi par la beauté visuelle de ce conte? On connait la grande qualité des productions du studio Ghibli, mais ici Takahata a réussi le défi haut la main, en renouvelant encore une fois son style graphique, choisissant cette fois ci de se tourner vers des techniques de dessin plus traditionnelles pour mettre en images l'un des plus anciens contes japonais, sans pour autant tomber dans la nostalgie. Un choix judicieux. Hommage à l'estampe, grande fresque aux couleurs diluées, nous voilà plongés dans un monde à la beauté évanescente, cristalline. Fraicheur, poésie, grâce : voilà comment on pourrait décrire cette œuvre. Takahata ose un dessin proche de l'esquisse, donc très libre, très épuré et expressif, qui atteint le sublime dans cette magnifique scène de fuite, où la douceur de l'aquarelle fait place un instant à la noirceur d'un fusain fougueux.

Cette liberté dans le dessin coïncide avec les aspirations qui animent la jeune héroïne pendant tout le film, qui rêve de s'affranchir des contraintes sociales qui lui sont imposées du fait de son rang.
(Spoil) Alors qu'elle vit une enfance heureuse et insouciante dans la nature, sa condition la rattrape et à peine entrée dans l'âge adulte, elle va devoir partir en ville pour devenir la princesse qu'elle doit être, et ainsi faire face à la cruauté des nombreuses décisions qui vont s'imposer à elle. Le film traite (entre autres) des choix que l'on doit faire dans la vie, de la dualité entre la nécessité de se plier à certaines obligations dues au rang social, à la volonté de satisfaire sa famille et en même temps au besoin d'émancipation et d'indépendance, de liberté, de rêve aussi.

Si j'ai trouvé le film formellement irréprochable, j'ai été néanmoins pas totalement convaincue par l'histoire, que j'ai trouvé un peu trop convenue par moments. Alors oui, c'est une jolie ode à la vie et à la nature (Miyazaki m'entends-tu?), c'est aussi agréablement humaniste, et l'histoire mêle habilement réalisme et onirisme. Mais il m'a tout de même manqué quelque chose... Peut-être Takahata a t-il suivit trop sagement le déroulement de l'histoire proposée par le conte ? Il m'a manqué un peu de folie (à part lors de certaines scènes comme celle de la fuite, ou encore celle du cerisier, mais j'aurai aimé en voir plus). Du coup, le film n'atteint à mon sens ni la magie du Voyage de Chihiro, ni l'émotion du Tombeau des lucioles. Le récit est un peu trop linéaire, les péripéties finalement assez prévisibles, voire répétitives, et surtout la fin m'a laissée un peu dubitative … Dommage.
Le film aurait aussi probablement gagné à être un peu plus synthétique, surtout si il avait pour vocation d'être vu par un jeune public...

Reste quand même un film hautement recommandable, pour tous ceux qui aiment, le temps d'une histoire, retrouver leur regard d'enfant.