Le Conte de la princesse Kaguya
7.9
Le Conte de la princesse Kaguya

Long-métrage d'animation de Isao Takahata (2013)

Takahata Isao réside dans mon esprit comme étant le grand réalisateur du Tombeau des Lucioles. En dehors de ce chef-d’œuvre de l'animation japonaise, cet auteur n'a pas su me convaincre outre mesure proposant des films pas dénué d'intérêt comme Pompoko, mais si loin de cette œuvre qui m'avait tant marquée. Alors qu'il ne réalisait presque plus de film d'animation - un seul en 10 ans si je ne dis pas de bêtise - il sort à 78 ans Le Conte de la Princesse Kaguya tirait des plus vieux récits de la terre Nippone. Je n'en attendais rien de particulier venant d'un réalisateur qui avait réussi un seul et unique coup de cœur. Un film sans prétention, sûrement un peu niai m'attendait. Quelle erreur d'appréciation ! Au contraire, Le Conte de la Princesse Kaguya est un film beau, d'une incroyable simplicité, sachant émouvoir autant que faire sourire. Le genre d’œuvre qui vous touche directement, qui vous parle et qui dira bien des choses à qui veut les entendre. Takahata Isao a donc réussi, avec son équipe, à retranscrire toutes les vertus qu'un conte peut offrir.


Le Conte de la Princesse Kaguya nous narre l'arrivée d'une princesse sur terre à l'intérieur d'un bambou. Cette créature de taille lilliputienne se transforme alors en bébé au contact de deux paysans vivant paisiblement à la campagne. Elle grandit à une vitesse folle et son père adoptif découvre de quoi lui payer une vie digne des plus grands. Il décide que sa place sera à la capitale où elle devra trouver un mari pour son bonheur. Je vous laisse le plaisir de la suite, la grandeur de ce conte tient en sa force de nous évoquer les plaisirs simples de la vie tout en critiquant l'invraisemblance des grandes familles de cette époque. Le bonheur n'étant pas une affaire de classe sociale ou de richesse, mais d'esprit.


Si le récit arrive à nous convaincre, c'est avant tout grâce à la mise en scène sachant jouer entre les plans fixes comme tumultueux. Les personnages aussi n'y sont pas pour rien, leurs mouvements, caractères, sourires et mimiques donnent du relief à chacun d'entre eux. Pas un seul n'est négligé, tous sauront apporter à l'histoire la petite touche personnelle de par leur présence. Petite mention spéciale aux personnages féminins qui de la princesse à la petite servante arrivent à faire passer un nombre incalculable d'émotions. Les hommes sont ici montrés pour la majorité comme violents, trompeurs, grossiers, possessifs, croyant savoir ce qui est bon pour les autres, ce qui ce révèle fatal même avec les meilleures intentions du monde.


Les graphismes apportent à cette œuvre un grand plus, que dis-je, ils sont tout simplement sublimes. Je n'ose même pas imaginer la quantité de travail demandée pour un résultat pareil. La richesse des couleurs, les jeux de lumières, cette force qu'ont les dessinateurs à produire tant d'émotions à travers l'aquarelle et le fusain. Une des images les plus marquante à mon sens et celle démarrant la fugue de la princesse sous la lune grossie avec exagération, cet étalage de couleur au centre démarquant totalement avec les côtés noirs et blancs de la ville. La fuite qui s'en suit derrière n'a rien à envier à son démarrage d'ailleurs. Ce genre de dessin donne une plus grande marge de liberté aux spectateurs faisant travailler son imagination et le plongeant encore plus profondément dans le récit avec une touche de poésie.


La bande-son n'est pas en reste face au travail colossal des graphistes. Si vous tendez bien l'oreille tout du long de l’œuvre vous remarquerez que la musique est d'une discrétion subtile. Rares sont les moments où vous allez profiter des bois, flûtes, piano et autres instruments. Non, le réalisateur a voulu appuyer sur les voies des personnages, leurs paroles, le vent, les bruits qui entourent l'être humain au quotidien. Ce que je retiens avant tout sont les chants magnifiques et les passages au koto simplement sublime, instrument traditionnel japonais qui m'était jusqu'à là totalement inconnu. Encore un choix audacieux que cette bande-son épurée et un coup de maître selon moi.


Inutile de vous dire que j'ai été conquis par ce chef-d’œuvre de l'animation, vous l'aurez compris je pense. Takahata Isao signe ici une de c'est plus belle production, loin de la tristesse du Tombeau des lucioles, Le Conte de la Princesse Kaguya arrive à nous émouvoir d'une toute autre manière, tantôt par la joie, tantôt par la compassion. La force de ce récit est de ne jamais tomber dans le trop plein, d'arriver à faire passer des messages durs sans pour autant vous les infliger telle une punition. C'est une histoire simple, mais d'une richesse sans pareil.

Orata

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