Ce film fait suite aux films de Verneuil, le Casse et Peur sur la ville, ainsi que l'Alpagueur de Labro qui étaient des polars basés sur l'action et la dérision, avec un Bébel détendu et jovial. Ici, en retrouvant pour la sixième fois son réalisateur fétiche, la star du box-office français de l'époque tombe sur un scénario différent, avec des dialogues affûtés d'Audiard, mais au ton plus écrit et qui insiste sur les motivations du héros accusé à tort, condamné à une lourde peine de prison, et qui revient 7 ans après en décidant de faire payer l'addition aux vrais coupables. En gros, c'est une vengeance.
Moins fantaisiste, plus émotionnel, et surtout empreint d'une noirceur et d'une gravité surprenantes, Belmondo ne fait pas le fanfaron, c'est réalisé de façon très efficace par un Verneuil toujours obsédé par le souci du détail et sa perfection technique légendaire, qui nous livre une peinture au vitriol de la bourgeoisie provinciale hypocrite et cruelle, une dénonciation du pouvoir de l'argent et d'une justice corrompue, tout en démontant une machination sordide ourdie par des puissants qui se croient intouchables, on se croirait presque dans un Chabrol.
Dans ce type d'atmosphère où le montage alterné entre passé et présent est assez bien utilisé, il y a un peu d'humour, mais on est loin des bébéleries cocasses, Bébel se révèle sobre, il est d'ailleurs très bien entouré par un escadron de seconds rôles comme Michel Beaune, Daniel Ivernel, Claude Brosset étonnant en travesti, Marie-France Pisier, François Perrot, Bernard-Pierre Donnadieu (qui commençait à se faire connaître), et un Bernard Blier savoureux qui composent tous une galerie de personnages pittoresques et ignobles pour certains.
Je regrette juste que Verneuil ne force pas plus le trait, avec un tel sujet, Chabrol lui, aurait sûrement été plus féroce, mais c'est un bon polar, qui n'a pas l'aspect commercial des 2 précédents films de Verneuil et Belmondo, et qui n'est pas le plus connu de son auteur, il a fait bien moins d'entrées que Peur sur la ville qui magnifiait sa star dans des postures avantageuses avec des punchlines, amplifié par les accords métalliques de Morricone. Ici, la musique de Francis Lai donne cependant du corps à l'ensemble, et le tournage a eu lieu dans le nord de la France, à Lille et à Tourcoing, avec une photo qui privilégie les ambiances grisaille, accentuant ainsi le caractère sombre de l'intrigue.

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le 26 févr. 2019

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Ugly

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