Le peuple de mon père raconte qu'à la naissance du Soleil et de son frère la Lune, leur mère mourut. Le Soleil donna donc à la Terre son corps, duquel devait naître toute vie, et il tira de sa poitrine les étoiles, qu'il jeta dans la nuit pour ne jamais oublier l'âme de sa mère.


C'est Hawkeye qui raconte cette histoire à Cora. Baignés dans une douce lumière nocturne, bientôt vouée à être remplacée dans la nuit par la lumière des canons cracheurs de feu et la violence de l'ordre des militaires.


Le Dernier des Mohicans a tout du mythe fondateur. C'est d'abord la fondation d'un pays, devant se construire sur les ruines du Paradis Perdu, dont les plans introductifs du film nous montrent toute la splendeur écrasante. Un éclat trop intense pour pouvoir le percevoir autrement que par une inspiration un peu lointaine.
Plus que la fondation d'un pays, donc, le spectateur est plongé dans l'histoire du pêché originel, celui qui nous aura condamné à une vie matérielle, extirpé de cette Nature dans laquelle les uniformes anglais ressortent au point de se mettre dans un rapport de domination avec le vert luxuriant dans ces plans fixes à la composition impeccables, tandis que Hawkeye, lui, s'y fond et s'y cache aisément, la caméra ne pouvant que se mouvoir pour tenter de le rattraper.


C'est que Œil de Faucon, rien que par son nom, est celui qui voit plus loin, ce qui pourrait déjà expliquer son aisance exceptionnelle avec un fusil. Voir plus loin, c'est avant tout voir plus en phase avec la réalité des choses, et donc voir plus pragmatique, dans le sens de l'acceptation du cours naturel des événements. De ce fait, Le Dernier des Mohicans n'est pas tant un film sur la beauté d'un monde perdu, mais a sans doute plus à voir avec la tentative d'acceptation de cette perte, à la manière du pas si méchant Major Duncan Heyward qui abandonne ses ambitions romantiques en se sacrifiant pour laisser place à son rival, notre DDL adoré. Ce dernier, par son chemin de croix parmi les Hurons, devient le personnage mythique par excellence devant inspirer l'individu à une vie plus équilibrée suite à son bannissement de l'Eden.


Dans la dernière scène du film, on se rend compte que le titre du film ne vise pas notre héros, mais plutôt son père. Ainsi, le film accomplit son mythe en transformant son personnage de l'entre deux mondes, coincé entre Nature et Civilisation, entre Natifs et Américains, en un personnage d'un seul monde : le nôtre. Celui qui vit sur la Terre, mais qui n'oublie pas l'âme de sa mère.


Et puis il y a la musique, qui en quelques notes dès les premières secondes du film aura fait remonter tous mes souvenirs d'enfance du Puy du Fou, où l'on écoutait les BO de Gladiator et Pirates des Caraïbes pour rêver d'être un viking, un chevalier, un gladiateur et que sais-je encore. En terme de madeleine de Proust, j'aurai rarement vu mieux, et rien que pour ça, ça valait bien un premier visionnage d'un film que l'on croirait presque déjà connaître avant de l'avoir connu.

Mayeul-TheLink
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 23 juil. 2019

Critique lue 440 fois

7 j'aime

3 commentaires

Mayeul TheLink

Écrit par

Critique lue 440 fois

7
3

D'autres avis sur Le Dernier des Mohicans

Le Dernier des Mohicans
Sergent_Pepper
8

The tear hunter.

Le dernier des Mohicans occupe une place à part dans la filmographie de Michael Mann, alors que c’est paradoxalement un de ses films les plus célèbres : il s’agit ici de s’essayer à la commande d’un...

le 18 juin 2016

75 j'aime

9

Le Dernier des Mohicans
Fatpooper
4

Des cheveux dans le vent

J'ai toujours eu beaucoup de mal avec le cinéma de Michael Mann. Je le trouve finalement assez peu pertinent dans ses critiques. Puis il y a toujours cette envie de magnifier les hommes au prix des...

le 12 févr. 2012

48 j'aime

12

Du même critique

Kubo et l'Armure magique
Mayeul-TheLink
5

Like tears in rain

(Si vous souhaitez avoir un œil totalement vierge sur ce film, cette critique est sans doute à éviter) Kubo, par sa technique d'animation nouvelle et son envie affirmée de parcourir des chemins...

le 27 sept. 2016

51 j'aime

10

Le Daim
Mayeul-TheLink
4

Critique de Le Daim par Mayeul TheLink

Chez Quentin Dupieux, on aime se mettre dans la peau d'animaux. C'est que comme dit l'Officer Duke (Mark Burnham) de Wrong Cops dans une révélation enfumée : "Nous sommes tous des esclaves de la...

le 20 juin 2019

48 j'aime

5

Call Me by Your Name
Mayeul-TheLink
5

"Le temps est comme un fleuve que formeraient les événements"

Héraclite disait il y a un moment déjà qu'on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve. Les personnages se baignent, beaucoup, et effectivement jamais dans le même fleuve. Mais ce n'est pas...

le 13 mars 2018

40 j'aime

2