L'Histoire drôle d'un dictateur ridicule qui se fera remplacé par un petit comique aux idées pacifiq
Le Dictateur, c'est avant tout la peur d'être déçu. Déçu par Charlot et son muet, son style inimitable passant au parlant, nouveauté de l'époque. Non sans risque donc, Charles Chaplin tente une approche du cinéma complètement différente de tout ce qu'il a pu faire de meilleur avant. Et pourtant... Le Dictateur est une œuvre aboutie, où rien n'est laissé au hasard, intelligente, drôle, criante de vérité et pourtant absurde.
Tout a déjà été dit sur le film et cette caricature du nazisme et de son leader Hitler. Et pourtant, on a l'impression qu'il restera toujours quelque chose à trouver, tant Charlie Chaplin atteint la perfection. Du point de vue historique, d'abord, en dénonçant ouvertement les pratiques du régime allemand et ce qu'il entrainerait obligatoirement en 1940, alors même que l'Europe est en crise. Comment faire passer ce message pour que tout le monde y ait accès, comment faire comprendre l'horreur aux masses ? En faisant rire. Ce n'est pas nouveau, la tragédie marque beaucoup moins les esprits qu'une bonne rigolade.
Seulement, il ne suffit pas simplement de faire rire mais surtout de ne pas tomber dans le cliché voir dans la vulgarité lourdingue. Or, tous les pièges sont ici évités et M. Chaplin nous montre une Allemagne misérable où les juifs sont maltraités par un régime totalitaire que tout le monde connait. Mieux encore, il sensibilise le spectateur à l'horreur de l'oppression de la guerre, des maltraitances sans jamais faire explicitement référence à l'Allemagne nazie ou ses commandants. On se moque donc, sans jamais aller trop loin : le spectateur rit du début à la fin mais est obligé de réfléchir au sujet, si bien qu'après chaque scène, chaque éclat de rire, il ne peut que faire le parallèle et réfléchir au sujet, à savoir la démocratie en Europe.
Mais je pense que la vraie force du film n'est pas prioritairement le contexte et l'intérêt historique. Bien au delà de cela, Chaplin réunit deux méthodes cinématographiques contradictoires : le parlant et le muet et en tire le meilleur. Ainsi, les scènes comiques sont ouvertement inspirées de l'expérience du réalisateur/acteur et de sa carrière muette et la parole ne vient s'ajouter que pour sublimer les effets en amenant une réalité à l'histoire, sans que cela ne soit qu'une autre comédie populaire. Les imitations d'Hitler et de ses discours, la langue allemande violente et incompréhensible, détruite par la haine des interlocuteurs ne sont là que pour renforcer l'absurdité d'une telle manière de penser, d'une telle horreur.
Donc, en plus d'être audacieux, prémonitoire de la suite des évènements et drôle, le film reste tout à fait maitrisé par son réalisateur qui ne montre aucune scène, aucun plan, ni même une image sans qu'il y ait signification particulière. Les acteurs sont formidables, la photographie, les cadrages, l'histoire, tout n'est que perfection, bref, le cinéma est ici dans sa forme la plus pure, la plus belle.
On notera en conclusion, la finesse du discours de clôture du film, où Charlot se retrouve à la place d'Hitler et, grâce à l'une des meilleures imitations qu'il m'ait été donné de voir, formule un discours de paix, de liberté, de résistance au mal à la manière d'Hitler. Il fallait vraiment que Charlie Chaplin gagne sa voix pour pouvoir répondre à une telle haine et la transformer en un message rempli d'espoir, au contraire de tout ce que ce bougre de dictateur a pu édifier.
Bravo.
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