Pietro Germi signe ici sans aucun doute son plus beau film. D’une grande force émotionnelle, grâce à la gaieté innocente de l’enfance, l’amitié indéfectible, les joies passagères, les rancunes durables, les drames familiaux mais aussi d’une grande acuité sociale avec cette fresque zolienne d’une époque bientôt révolue, le travail pénible mais la fierté de l’accomplir, l’appartenance à un groupe, les luttes communes et les trahisons individuelles, les idéaux et les désillusions, Il Ferroviere est digne de figurer parmi les plus grandes œuvres du néo-réalisme italien.
L’une des idées géniales de Germi et des collaborateurs a été de trouver cet équilibre entre d’un côté le père Marcocci (incarné par Germi lui-même), parent tardif, soûlard mais travailleur, dur comme l’étaient les paternels d’alors quoique dissimulant un grand cœur, homme sur qui pèse toute la responsabilité de la famille mais aussi la vie des passagers du train qu’il conduit et d’un autre côté son fils Sandro, narrateur interne dont la voix enjouée charmerait n’importe quel cœur de pierre, symbole de l’innocence, bon enfant quoique espiègle à la petite bouille à croquer, aussi câlin que drôle, et dont le regard filtrant transforme ce monde dur et cruel en une vie plus humaine qui vaut d’être vécue.
Film signant la fin d'un cycle, avec cette circularité de l'année qui s'achève (d'un Noël à l'autre, et paradoxalement d'une mort à une autre), l'essoufflement du couple traditionnel, la chute annoncée du communisme et enfin celle du courant néo-réaliste, Il Ferroviere ne chante pas pour autant que le désenchantement et parvient au contraire à apporter une lueur d'espoir à travers le regard du petit Sandro.
8.5/10