A mi-chemin entre le mélodrame et le néoréalisme, ce film poignant de Pietro Germi bouleverse grâce à la justesse de l’interprétation et la finesse de son écriture.
Pietro Germi signe avec ce long-métrage un petit bijou d’émotions brutes. Préférant la suggestion à l’emphase, le cinéaste, par ailleurs acteur principal, s’appuie essentiellement sur la prestation impeccable d’un casting royalement dirigé, ainsi que sur une superbe musique nostalgique de Carlo Rustichelli.
La très grande force de ce long-métrage est d’avoir su habilement entremêler des thèmes personnels (l’éclatement de la cellule familiale, le manque de communication dans une structure patriarcale étouffante, les aspirations d’une jeunesse qui ne veut plus se conformer à ce modèle ancestral) avec une symbolique collective (les disparités sociales et le combat syndical). Grâce à une sensibilité à fleur de peau, le cinéaste trouve à chaque séquence le ton juste : de la joie des fêtes entre amis aux déchirures entre parents et enfants en passant par les réflexions à hauteur d’enfant du petit garçon, le script bénéficie d’une finesse d’écriture plutôt rare. Il Ferroviere ne serait pas aussi émouvant sans la prestation magistrale de Pietro Germi, impeccable en patriarche bourru, du petit Eduardo Nevola (quelle bouille craquante !) ou de Luisa Della Noce, digne mère de famille qui doit gérer les sautes d’humeur de son époux alcoolique tout en continuant à entourer ses enfants de tout l’amour possible. Bouleversant à plus d’un titre, Il ferroviere était le film préféré de Pietro Germi lui-même. On ne le contredira pas !
Il Ferroviere est une bouleversante chronique sociale, portrait d’une famille en détresse gravitant autour d’un père tutélaire et imparfait. Racontant son
histoire du point de vue de son jeune héros, le cinéaste développe avec nostalgie le thème de
l’enfance et imprime au film une sincérité forte et captivante en interprétant lui-même le rôle
central qu’il voulait à l’origine confier à Spencer Tracy. Il Ferroviere est non seulement l’un
des plus beaux films de Pietro Germi, c’est aussi l’égal des grands drames sociaux de Luchino
Visconti ou des chefs-d’oeuvre néoréalistes de Vittorio De Sica