Hypnotique.
Le Grand Bleu, film générationnel par excellence, est un film douloureux à revoir aujourd'hui quand on voit le chemin qu'a pris son réalisateur par la suite. Quand même, qui aurait pu imaginer que...
Par
le 12 juin 2011
72 j'aime
10
"Le Grand Bleu" est un film mythique, symbole générationnel des années 1980, avec ses croyants mitterrandiens désaxés par la montée des eaux chiraquiennes. Tout le monde a son idée sur "Le Grand Bleu" - même sans l'avoir vu - car les légendes imprègnent nos consciences et nos rêves.
Comment devient-on un mythe ? En racontant une Légende fondée sur un manque. Celle de Jacques Maillol, orphelin de père et de mère, qui noie son désespoir en devenant mi-poisson - explorateur d'abysses, mi-dauphin - vedette du grand cirque médiatique des conquérants du vide.
Une légende se nourrit de mystère. Que signifie "Le Grand Bleu" ?
"La Grande Bleue", la Méditerranée fut Mare Nostrum, berceau de civilisations asiatiques, européennes et africaines avant d'être celui de nos étés de gosses irresponsables et d'adultes en goguette. Dans les années 1960, Jacques Maillol et Enzo Molinari ont appris à se connaître dès l'enfance sur une île grecque. Deux métèques, Français et Italien, fanatiques de l'apnée et apprentis pilleurs d'épaves. Luc Besson les filme en noir et blanc, couleurs de nos souvenirs dans les albums photos. Chaque famille protège ses secrets, jalousement cadenassés à triple tour. Jacques interroge l'oncle Louis pendant la plongée de son père : "Pourquoi ma mère nous a-t-elle abandonnés pour les États-Unis ?" Du coup, ce fieffé bavard d'oncle Louis devient sourd et même muet ! Et pourquoi le père meurt-t-il justement, asphyxié, au moment de cette non-réponse ?
A cause du "Grand Bleu" ?
Vingt-ans plus tard - dans un monde en technicolor agressivement publicitaire - Luc Besson réunit nos héros. Jacques plonge dans un lac d'altitude de la Cordillère des Andes. L'expérience scientifique est dirigée par le docteur Laurence, fasciné par le métabolisme du plongeur dont les battements cardiaques ralentissent, s'espacent en apnée . Coup de foudre de Johana Baker, New-yorkaise de la City, quand elle croise un yogi techno transi. Peu après Enzo, champion du monde de plongée en apnée, retrouve "le petit Français", seul rival à sa mesure. Il lui envoie des billets d'avions pour les championnats de monde de Taormina en Sicile. Cette grande gueule d'Enzo trouve un compagnon de solitude et de spaghettis. Johana s'invite au festin. Tous les trois deviennent des vedettes de la conquête dérisoire des abysses. L'esprit de compétition leur fera regarder la mort en face.
En 1988, François Mitterrand est réélu président, sans illusions. Jacques Séguéla et Bernard Tapie jouent les bateleurs médiatiques, encaissent des fortunes et catéchisent à tous vents. "Le Grand Bleu" draine les foules vers les usines à rêves pendant que les usines, jours et nuits, licencient la plèbe inutile. Un film populaire ? Nos goûts et nos raisons de vivre intéressent beaucoup de monde : filon à exploiter par les PDG, les DRH et autres acronymes des SARL (les Sociétés Anonymes sont toujours à Responsabilité Limitée). Le chômage explose, les SDF font la queue aux Restos du Cœur, les technocrates s'épanouissent, imposent pseudos "réformes" et vrais plans sociaux. Les belles paroles de campagnes électorales s'envolent, mais le Verbe nous habite et demeure. Par delà les soubresauts du Mal, l'espérance est indéracinable.
Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes CiNéMa et En BoNnE CoMpAgNiE (2017/2023)
Créée
le 28 août 2020
Critique lue 215 fois
2 j'aime
2 commentaires
D'autres avis sur Le Grand Bleu
Le Grand Bleu, film générationnel par excellence, est un film douloureux à revoir aujourd'hui quand on voit le chemin qu'a pris son réalisateur par la suite. Quand même, qui aurait pu imaginer que...
Par
le 12 juin 2011
72 j'aime
10
En 1965sur une île des Cyclades, deux gamins amoureux des océans, Enzo et Jacques se confrontent afin d'avoir la suprématie en apnée. Le père de Jacques également passionné trouve la mort au cours...
le 25 oct. 2013
43 j'aime
38
MC SONAR Vaguement (ah ah!) inspiré par la vie de l'illustre Jacques Mayol et de sa rivalité avec Enzo Maiorca (Molinari dans le film), Besson nous plonge dans les eaux troubles de ce personnage...
Par
le 19 févr. 2013
26 j'aime
6
Du même critique
Lire BLAISE PASCAL, c'est goûter une pensée fulgurante, une pureté de langue, l'incandescence d'un style. La langue française, menée à des hauteurs incomparables, devient jouissive. "Quand on voit le...
le 10 nov. 2014
30 j'aime
3
Sur ma couche, pendant la nuit, j’ai cherché celui que mon cœur aime ; je l’ai cherché et je ne l’ai point trouvé. Levons-nous, me suis-je dit, parcourons la ville ; les rues et les places, cherchons...
le 9 nov. 2014
23 j'aime
7
EL DESDICHADO ------------- Je suis le ténébreux,...
le 9 nov. 2014
20 j'aime
2