Le grand bleu, film générationnel(les années 90 auront le Péril Jeune et la Cité de la Peur, les années 2000 auront Asterix Obelix Mission Cléopâtre et Brice de Nice), tellement générationnel qu'on a voulu étudier sur toutes les coutures cette jeune génération aller voir en masse ce film plusieurs fois le Grand Bleu (ce qui a fait qu'on a appelé cette génération "génération Grand bleu", plus absurde tu meurs), succès mondial surprise de 1988.
Comment Besson et Mayol ont pu prévoir un tel succès avec un film de près de 2h30, où il ne se passe peu de choses, racontant avec romance la vie du célèbre plongeur Jacques Mayol, le plaçant entre son histoire d'amour avec une américaine et son amitié/rivalité avec Enzo Molinari ?
Tout d'abord il faut comprendre que si Luc Besson n'avait pas été réalisateur à succès, il aurait sans doute fini comme Jacques Mayol, plongeur ou moniteur sur la côte d'Azur. Un accident lorsqu'il est adolescent ne le permet pas de continuer sa passion pour la mer, mais elle demeure intacte, lorsqu'il rencontre Jacques Mayol en 1983, lui proposant une sorte de drame/biopic sur sa vie.
Le film tenait tellement à cœur Luc Besson qu'il a mis plus de 3 ans à le conceptualiser : une approche différente de la production en convaincant de nombreux investisseurs étrangers, surtout italiens et américains, un casting international avec Rosanna Arquette, Sergio Castellitto, Jean- Marc Barr et son acteur fétiche Jean Reno et Jean Bouise, une réalisation très "looké" 80's et très américaine qui a du surprendre plus d'un critique lors de la première projection, une bande- son d'Eric Serra aux petits soins de l'ambiance poétique du film, et une photographie filmant pendant de nombreuses minutes les abysses et les dauphins, et un tournage dantesque de 8 mois aux 4 coins de la planète.
Besson ici déclare ouvertement son amour à la mer, à Jacques Mayol, et aux abysses les plus profonds qui ont enchanté son enfance mais aussi rythmée sa vie entière, une véritable sincérité se dégage de son film- fleuve.
Que s'est- il passé en 1988 ? Tout a été dit sur ce film. L'incompréhension totale d'un succès raz- de- marée chez les jeunes. La rupture définitive et symbolique entre le monde du public et le monde de la critique. L'ambition d'enfin réconcilier la nature et l'homme. L'explication sous toutes ses formes sociologiques du Grand bleu. Le mysticisme parfait qui entoure le film. La propulsion immédiate de toute l'équipe du film transformés en stars à vie par toute une communauté de fans.
Luc Besson a réussi son pari incroyable : faire un grand film populaire et faire un film ambitieux, profond, poétique, d'une beauté exceptionnelle, le tout avec un sujet qui ne parlait à très peu de personnes.
Le Grand Bleu, malgré le fait que cela soit un drame intimiste, est profondément un film de rêve, de rêveurs, pour éviter la dure réalité d'une impossibilité d'effacer le passé. Il met en place un personnage principal, Jacques Mayol, un être venant d'un autre monde, celui de la mer, un adulte bloqué dans une âme d'enfant qui veut être à tout prix un dauphin, dévoré par sa passion pour la mer, un être mystique dès sa première apparition, une sorte de christ de la mer pur, silencieux et intouchable. Le jeu très en retenue de Jean- marc Barr est pour beaucoup dans le rôle quasi- religieux de Jacques Mayol, qui ne pouvait que toucher la jeune génération, empêtré dans les difficultés économiques et l'avenir incertain, et rêvant d'une jeunesse éternelle où tout ira bien. Jacques Mayol, idole d'une jeune génération, symbole d'un adolescent tourmenté et qui invite à la transcendance, à la méditation.
Mais le Grand Bleu a, avec ce message d'aventure, a d'autres qualités indéniables :
Luc Besson pose ici une réalisation de maestro, digne des plus grands, et signe un opéra visuel et sonore d'une rare beauté, prolongé avec une photographie exceptionnelle et surtout d'une bande- son d'Eric Serra géniale qui sera un carton planétaire (3 millions d'albums vendus). L'ambiance est particulièrement envoûtante et contribue au pouvoir du grand bleu, inexplicable et grandiose.
Plus que cela, c'est avant tout la direction d'acteurs qui est excellente : Jean Reno excelle dans son rôle d'italien chef de son gang, fier, et fasciné par la mer (un rôle qu'il va souvent répété après ce film) son duo avec Jean- Marc Barr est incroyablement réussi, Jean- Marc Barr, en retenue, à la fois apaisé et hypnotique, est superbe, Rosanna Arquette fait plutôt bien le job, amoureuse éperdue de ce héros mystique, tandis que les seconds rôles sont tous assez crédibles.
Ce sont surtout les séquences dans la mer et les paysages superbes de l'Italie et de la Grèce qui ont vraiment réjoui les spectateurs, où presque aucun réalisateur n'avait filmé la mer comme ça auparavant. C'est vraiment là où Besson a réussi un tour de force magistral : l'association parfaite entre l'image et le son a tellement marqué les personnes qui l'ont vu qui compense largement le scénario, très faible, qui a été carrément placé au second plan du film, voire au troisième plan.


Il est donc normale que le Grand Bleu ait toujours cette place particulière dans la tête de nombreux français, un choc poétique et sublime, même s'il n'a pas très bien vieilli, et c'est donc légitime que c'est un film cultissime de la fin des années 80. Avec une scène finale qui adoube le film comme un petit chef d'oeuvre, Luc Besson a réussi du grand cinéma, audacieux, naïf, profond, populaire, sensible. Car ce film, c'est avant tout la quête effréné d'un paradis perdu, enfouie dans les ténèbres de la mer, qui nous a tous plus ou moins touché une fois dans notre vie.

Mathieu_Renard
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le 1 janv. 2016

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Matt  Fox

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