C'est en trépignant d'impatience que je me presse dans la salle de cinéma pour voir le Majordome, un film qui se veut bouleversant et qui doit traiter, à travers le regard d'un majordome qui a officié pendant 30 ans à la Maison Blanche, de l'évolution de la condition des noirs aux Etats-Unis. Les critiques ont adorés, le président Obama a pleuré devant le film, on s'attend à un chef d’œuvre, au film d'une génération ... Et quelle claque ! La dure réalité vient marqué la déception sur la joue du spectateur. Ô qu'il est dur à voir ce film tant il est d'une médiocrité sans nom. Mauvais en soi, le film doit en plus affronter son sujet, pour le moins brulant et passionnant qui, au choix, éclipse le niveau plus que bancale du film, ou bien, contribue à mettre en lumière à quel point ce navet est indigne d'une telle histoire !

Que je m'explique : ce film peut être résumé de manière fort simple. Le sujet est des plus beaux, mais cinématiquement, c'est creux. Le film n'est qu'une suite de tableaux de moment nous montrant la dureté du racisme au pays de l'Oncle Sam durant le XXème siècle, le tout sans aucune forme de profondeur. Bien sur, nous sommes touchés par ces faits horribles, mais la réalisation, la narration, la bande-son, les cadrages, le jeux d'acteur, tout est vide et sans substance. Tout n'est que déception sur ce plan là.
Enfaite, très vite on a le sentiment que le film est trop ambitieux, c'est comme si l'équipe avait été dépassé par un tel sujet. L'introduction va vite, très vite ... Je pensais que ce traitement rapide était dû au fait que ça soit le début, qu'ensuite on aurait un ralentissement du rythme narratif, mais c'est loin d'être le cas. Tout va vite, tellement vite qu'on ne peut s'attacher à ces personnages qui ne nous apparaissent que comme une foule de stéréotype plus exagérés les uns que les autres. Les problèmes d'alcoolismes et d'adultères qui auraient pu donner une profondeur au récit sont finalement traités de manière trop superficielle. Le prétendue opposition idéologique entre les deux frère est inexistante tant Louis va être mis en avant durant tout le film comme militant pour la cause noire (sans pour autant qu'on rentre un tant soit peu dans son psyché, faut pas exagéré : il n'est qu'un stéréotype), tandis que Charlie sont frère n'a qu'une seule scène réelle : quand il annonce son départ pour le Vietnam ... Comment être touché dans ces conditions ?!
Finalement les seuls stéréotypes qui nous touchent sont ceux qui sont populaires : Kennedy et Martin Luther King en tête bien entendu. On est touché par ses tragédies humaines, par ces grands hommes, par ces peace maker. Leur destin tragique n'en est que plus intolérable et c'est parce que nous connaissons déjà la fin de leurs vies que leurs apparitions nous touchent.
Heureusement, d'autres stéréotypes sont là pour nous rappeler leurs médiocrités. Nixon en tête. C'est difficile de faire plus caricaturale dans le traitement.
Vraiment c'est dur de dire à quel point ce film est loupé sans spoiler. Mais globalement son défaut c'est tout simplement la vitesse, on ne s'attarde pas, on ne s'attache pas. On veut s'intéresser mais le film nous le permet pas. En réalité, pour être un succès, ce film aurait dû oser durer une heure de plus. A ce prix on aurait pu s'attarder sur la vie de ce majordome, sur sa famille, voir les choses en profondeurs.
En effet, plus d'une fois je me suis dit que le titre de Majordome était usurpé tant on le voit au début et ensuite on a le droit qu'à sa présence auprès des présidents ou chez lui. Mais toute la bipolarité d'être un noir, et donc considéré comme un sous-homme, tout en travaillant au service de l'homme le plus puissant des Etats-Unis, n'est absolument pas montré. Pourtant, c'est sous-entendu tout le film, mais jamais traité de face. Et ceci est bien regrettable. Cette vitesse qui entraine un manque d'attachement amène aussi une simplification extrême et parfois relativement intolérable qui donne envie de lire un livre plutôt que de voir un résumé, certes intéressant, mais qui survole certains sujets (Les Black Panthers, rien que ça, pour montrer tout l'esprit du mouvement, aurait nécessité une demi heure de plus dessus).
Bien entendu ne perdons pas à l'esprit que ce film s'adresse à un public américain, qui doit connaître cela. Ca excuse donc certaine vivacité du scénario vis à vis de la grande Histoire, mais non pour celle de la famille Gaines.
A l'inverse, cependant, certaines parties de la vie de la famille Gaines sont présentes sans que l'on sache réellement pourquoi, notamment vers la fin du film. Comme si ça avait été une chronique de famille (loupée dans ce cas).

Cependant, il serait faux de croire que ce film est absolument mauvais. Le niveau technique est correcte. La bande-son est absente du film, sans être présente réellement et apporter un plus elle ne dérange pas. Il en va de même pour la présence de la voix du narrateur (Cecil), présente un peu, malheureusement peu intéressante mais jamais véritablement dérangeante. Les cadrages sont très académiques, à peine un ou deux boostent le film.
Heureusement, le film contient quelques bons points. Le premier est qu'on ne s'ennuie pas. Et c'est assez étonnant vu le nombre de défaut qu'on remarque durant le film même. Je dois bien avouer ne pas comprendre réellement d'où vient ce bon point.
Peut être de l'amour qu'on a pour l'Histoire ? Pour un sujet aussi poignant ? Aussi sérieux ? Aussi passionnant ? C'est possible en effet. Une partie du film tient grandement grâce à ça. Comme je disais, Kenney et Martin Luther King nous offre des moments excellents, les réflexions sur la cause noire font le même effet, on s'y intéresse. Du coup, des scènes coups de poings sont pour le moins marquant : le bus attaqué par le Ku Klux Klan ou les étudiants noirs qui veulent être servis au mêmes endroits que les blancs sont autant de moment coup de coeur qui secoue le spectateur (même si l'intensité de l'évènement est plus à remercier que le travail cinématique).
En terme plus humains, les scènes où Cecil et ses collègues travaillent à la maison blanche sont assez agréable, c'est le moins que l'on puisse dire. Idem pour quand il parle avec les présidents, on sent une grande part de respect, une dévotion sans borne (sauf pour Nixon). Mon regret a été à la scène du départ, je trouvais que le lien avec Reagan n'était pas assez intense à mon avis.
Mais bon, le scène offre, ainsi, quelques bons moments, quelques scènes particulièrement plaisantes.

Si en terme cinématique, Le Majordome est un film d'une rare pauvreté, dont les yeux plus gros que le ventre entraine une montée en médiocrité, la qualité de l'apport historique et l'intérêt du sujet permet d'oublier, au moins pendant une partie du visionnage tous ces défauts. On sort cependant de la séance sans aucune envie d'y retourner et sans avoir la moindre impression d'avoir vu un grand film.
mavhoc
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le 30 oct. 2013

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