C'est par ce second volet que je suis rentré dans l'univers Jurassic Park la toute première fois et le film m'avait beaucoup marqué enfant, au point que je dédaignais découvrir le premier opus avec Sam Neill et Laura Dern, opus que je pense préférer aujourd'hui sans en être totalement sûr (un certain nombre de choses me gênent comme pour ce second volet). Le film m'avait à l'époque paru très long (alors que finalement pas tant que ça) et donc très bon, les deux allant de pair à cet âge pour ce type de films bien "bourrins". J'en gardais le souvenir d'un film dont les enjeux étaient sans cesses relancés par des scènes de grand spectacle proprement hallucinantes, n'en finissant plus de finir et se renouvellant quasi-continuellement à chaque fois que le film semblait avoir atteint le point culminant de sa narration et donc de sa mise en scène, les deux allant de pair chez Spielberg (je me rends compte qu'il est vraiment l'un des cinéastes qui concilie le mieux l'un et l'autre à mesure que je découvre et redécouvre ses films). A ce titre j'avais en tête deux scènes bien précises.
Premièrement, la scène de la caravane (of course !), hallucinante quand je l'avais découverte la première fois et toujours aussi impressionnante aujourd'hui, notamment quand on la regarde sous l'angle purement cinéphilique de sa mise en scène : d'abord toute en tension suggestive à l'horizontale au bord de la falaise puis toute en tension explicite à la verticale suspendue dans le vide, il y a une science de la mise en scène incroyable dans cette scène, entre intérieur clinique du compartiment scientifique et extérieur boueux et pluvieux de la jungle environnante. Spielberg use d'un art du montage qu'il semble maîtriser totalement, passant avec une lisibilité totale entre les deux milieux filmés et entre tous les personnages, les suivant et les accompagnant au plus près de leur corps, les filmant à échelle humaine comme il le fera dans le reste du film. Bref, un modèle de montage et de mise en scène, regorgeant de détails et d'inventivité, notamment dans sa manière de convoquer (volontairement ou non) Le convoi de la peur de Friedkin, avec ce véhicule pachydermique, cette pluie, cette boue, cette jungle et cette situation extrême pour ses personnages dont il s'en faut de peu pour qu'il y passent.
Deuxièmement, il y avait aussi cette séquence finale, longue de presque une demi-heure et qui me paraissait à l'époque témoigner de l'extrême générosité du film à continuer encore sur sa lancée, quittant la jungle pour dévoiler un nouveau terrain de jeu, celui du port (bientôt endommagé) et de la ville (mise à rude épreuve), avec un jeu du chat et de la souris ludique au possible, sorte de remake de King Kong où le dinosaure vindicatif est à la recherche non pas d'une jolie jeune femme mais de sa progéniture. Je me souviens avoir fantasmé à l'époque que la scène dure toute la nuit, la nuit du film et la mienne étant donné que je l'avais découvert en soirée. A revoir le film aujourd'hui, et bien que je reste encore stupéfait par le savoir-faire de Spielberg là encore, je trouve pourtant que cette séquence alourdit le film de par sa longueur, la raison étant que celui-ci me paraît déjà parasité tout du long par un certain nombre de scènes d'accalmies ternes et sans éclat particulier, ne permettant pas au film de reprendre son souffle mais l'embourbant au contraire, de manière assez embarrassante dans une certaine forme de balourdise. Ce troisième acte pourtant spectaculaire me paraît être la goutte d'eau des problèmes de longueurs dont souffre le film, la lassitude l'emportant d'abord sur l'immersion avant que celle-ci ne finisse tout de même par l'emporter pour de bon. Le problème réside en grande partie dans l'arc narratif relatif au commando envoyé par Ingen. En un mot, c'est celui qui m'ennuie le plus. Je comprends bien entendu tout le discours méta que Spielberg a voulu développer dans la continuité du premier avec cette suite et donc la raison pour laquelle cet arc a aussi toute son importance. Mais à l'écran, c'est clairement la partie qui me convainc le moins. Là où le groupe des 4 scientifiques et de la fille Malcolm sont de vrais personnages, suffisamment développés et suffisamment attachants, les membres du commando ne semblent être quant à eux, sauf exception, que des fonctions qui n'ont d'autre but que de servir le discours critique de Spielberg ou, au mieux, être des prétextes scénaristiques visant à guider la narration (il faut voir la manière avec laquelle ce commando est finalement évincé, Spielberg n'en avait clairement rien à foutre). Du coup, la confrontation entre les deux groupes est bancale, les points de vue peu détaillés, manichéens, les scènes de relative tranquilité entre les deux sont très peu convaincantes et le rythme à la base soutenu du film en pâtit donc largement. C'est dommage que le scénario n'ait pas été mieux bossé que ça (le premier est plus convaincant à ce niveau je pense malgré des erreurs assez impardonnables en termes de scénographie notamment et dont je ne comprends même pas que ça ait pu être laissé passer). Autrement, on aurait pu avoir un vrai grand Spielberg. La mise en scène du film le permettait largement. Mais avec ce film, je me rends compte à quel point son cinéma est visuel (je le savais avant et ça se confirme de manière systématique à chaque fois que je me penche sur son travail), utilisant un art du dévoilement dans sa mise en scène qui passe quasi-systématiquement par l'image, entre ce qui est montré et ce qui ne l'est pas, le frontal et le hors-champs, le suggestif et l'explicite : par exemple, la scène d'introduction à ce titre est superbe avec cette famille bourgeoise qui est montrée progressivement, de manière très visuelle au moyen d'un superbe panoramique avant de se conclure sur un hors-champ inquiétant (la mère qui hurle face à sa fille dont on ne sait pas encore ce qu'elle est advenue suite à son attaque par la "faune" de l'île). Le film est rempli de détails de ce genre. Et malgré cette nouvelle vision semi-déceptive (déceptive au regard de mes souvenirs mais satisfaisante quand même car la déception, anticipée, est carrément moins brutale que ce à quoi je m'attendais), je pense que ce film fait partie de ceux qu'on kiffe pleinement une fois sur deux (comme le disait Truffaut ou un autre, je ne sais plus). La prochaine sera à nouveau la bonne je n'en démords pas !