Ce film sorti en 1959 et peu diffusé montre que le genre post-apocalyptique ne date pas d’hier. Tourné en noir et blanc par un réalisateur méconnu et avec des acteurs dans l’ombre des vedettes de l’époque, il apporte un ton et une réflexion particulièrement intéressants.

Ranald MacDougal met immédiatement le spectateur au cœur de l’action, puisque Ralph Burton (Harry Belafonte) est un mineur qui se retrouve isolé à la suite d’un accident provoquant un éboulement. Coincé au fond de la mine, Ralph pense que les secours s’organisent. Malheureusement, au bout de quelques jours, il constate que c’est le grand silence et que tout le système de pompage est hors service. Avec l’énergie du désespoir, il parvient à s’extraire seul de ce piège diabolique.

Heureusement pour lui, car seul il l’est terriblement ! Une catastrophe planétaire a apparemment provoqué l’extinction des espèces vivantes à la surface de la Terre. La nature de la catastrophe, il va l’apprendre en cherchant les informations là où il le peut.

Est-ce imaginable de se retrouver le dernier humain en vie à la surface de la Terre ? Eh bien, Ranald MacDougal rend la situation parfaitement crédible. Harry Belafonte est d’abord incrédule, mais il n’est pas disposé à renoncer. Alors, il crie et il s’agite. A force il soliloque, mais qu’importe, l’essentiel est de rester en vie. Et comme il reste humain avant tout, eh bien il recherche ses semblables parce que la solitude est inacceptable. Pour la tromper, il récupère des mannequins d’un grand magasin. Et puis, il rejoint New York, il erre dans la ville et s’organise.

Le film est captivant et toujours d’une grande crédibilité, même s’il est étonnant de voir Harry Belafonte soudain en costume alors qu’il vient de passer plusieurs jours coincé au fond d’une mine. On peut émettre un petit doute sur l’explication de la catastrophe et de ses conséquences. Qu’une bombe ait explosé et dégagé des nuages d’un isotope radioactif de sodium pourquoi pas, mais laisser croire que tout danger soit écarté au bout de 5 jours... Peu importe en fait. Ce qui est marquant, c’est de constater que la survie de l’espèce humaine se résume à un affrontement racial et une lutte d’influence pour la conquête d’une femme.

Harry Belafonte est très bien en survivant qui fait ce qu’il peut, en bougeant, marchant, courant, gesticulant, pleurant, chantant (le comédien-chanteur était un bon choix pour ce rôle). Inger Stevens est irréprochable. Quant à Mel Ferrer il est à la hauteur pour faire sentir l’antagonisme blancs/noirs tellement sensible à l’époque qu’on peut considérer le film comme courageux.

L’utilisation du cinémascope est judicieux, car il donne un champ bien large pour faire sentir l’étendue des dégâts. Il ne suffit pas de filmer un homme seul pour que le spectateur accepte sa situation de dernier survivant sur Terre. Encore faut-il le placer dans des décors qui crédibilisent l’ensemble. Comme plus tard dans « La planète des singes » on aperçoit la statue de la liberté au loin. Et comme dans « La route » on voit les restes de la civilisation, avec en particulier les voitures qui encombrent routes et ponts parce que tous ont désespérément cherché à fuir et se sont retrouvés bloqués. La vision du « G.Washington bridge » paralysé est un symbole de la déchéance de la civilisation (américaine). On sourit presque en entendant des voix s’exprimer dans un français parlé très réaliste. Malheureusement, ces voix sont lointaines, sur le point de s’éteindre définitivement et de toute façon incompréhensibles pour Ralph.

Alors oui, Ralph va finir par trouver quelques-uns de ses semblables. Mais il y a tellement de méfiance que même un homme et une femme condamnés à s’entendre hésitent beaucoup à cohabiter. D’ailleurs pourquoi se gêner, dans New York désertée, chacun peut facilement se trouver son chez soi. Et puisque cela ne gêne personne, pourquoi faire la vaisselle quand on peut jeter les reliefs d’un repas par la fenêtre ? On imagine bien que ce qui est encore disponible ne durera pas. C’est une nouvelle civilisation qu’il faudrait bâtir. Bâtir, cela veut dire croire à un avenir, de l’entente, une organisation, etc.

La traduction du titre de ma critique « Une nation ne lèvera plus l’épée contre l’autre » est un extrait d’une citation biblique que Ralph lit à un moment crucial sur le bâtiment des Nations Unies.
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le 14 déc. 2013

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