Une proposition que je ne peux refuser [SPOIL]
Deux visionnages et même impression de regarder une œuvre majeure et absolument incontournable dans le paysage cinématographique.
Le film s'ouvre sur une scène de mariage d'anthologie où chaque personnage est présenté de façon subtile en quelques phrases. Coppola vient quasiment poser sa caméra sur l'épaule de Don Corleone dès les premiers instants du film. On pourrait presque lui murmurer à l'oreille de dézinguer pour nous quelques types récalcitrants.
Il écoute, patiemment, le discours d'un pauvre homme venu lui demander de l'aide pour venger sa fille violentée par un groupe de voyous, mené par son ex-futur-gendre. Puis Don Corleone (Marlon Brando, point.) s'exprime, dans son phrasé si particulier. Et là, la magie opère. Cette magie de parvenir à rendre sympathique, voire profondément attachant, un personnage dont les actes sont tout à fait répréhensibles. Car Le Parrain c'est une sorte de Père Noël du crime, qui résout les problèmes en faisant parler les flingues, le couteau ou la corde.
Mais Le Parrain, c'est aussi (et surtout), Al Pacino, en Mike, un des fils de Don Corleone, qui va, en deux répliques, démontrer toute l'habilité du scénario à transformer un fils indigne en fils prodigue.
« - C'est mon père ça, ce n'est pas moi. »
et
« - Non. »
Ces deux lignes de texte s'adressant à Diane Keaton, sa copine puis sa femme dans le film. Je n'extrapole pas, à vous de voir le film si ce n'est déjà fait. Les autres, je l'espère, comprendront mon allusion.
Et puis, Le Parrain, c'est aussi une réalisation lente, simple mais absolument prenante. J'ai revu le film avec des amis qui l'ont jugée avoir « mal vieilli ». Je ne peux qu'être profondément en désaccord avec ce propos. Pour moi, la réalisation est une pièce maîtresse du film, elle permet de se fondre dans l'histoire tout en ne prenant pas garde à ce qui se passe. Je parle de l'ascension de Mike. Cette progression se fait dans une telle continuité, qu'à la fin, malgré une concentration maximum sur le film, on en arrive à être étonné de ce dernier plan.
Ah oui, car Le Parrain c'est aussi quelques scènes et plans cultissimes. Je ne les énumèrerai pas tous mais j'en retiendrai trois qui j'aime particulièrement : le cheval, le resto dans le Bronx et le règlement de compte du beau-frère.
On peut également savourer un casting trois étoiles avec Pacino en tête que j'adore absolument, Caan, Duvall et les autres. Tous parfaits.
Ce film est, pour moi, épatant car il bénéficie d'une lourde réputation et pourtant la mérite amplement. Ce qui est un fait assez rare je dois l'avouer pour des films post années 50 ! De plus, il est bercé par une musique dont il est presque malvenu de faire des éloges.
Je sens déjà poindre les curieux : pourquoi 9 et pas 10 ? Pour deux choses qui, lors de mon premier visionnage ne m'avait pas marquée mais qui, lors du second, m'ont sauté aux yeux à tel point que je ne pouvais plus en faire abstraction.
La première : la reconstitution historique. Je ne m'y connais peut-être pas beaucoup mais j'ai eu la désagréable sensation que tout n'était pas juste, notamment dans les décors intérieurs, les costumes ou les coiffures des personnages. Cela peut sembler un détail mais quand ça commence à faire sourire, c'est qu'il y a problème. Le film est sensé débuter en 1945 mais sans cet indice, à vue de nez, dès la scène du mariage, j'aurais plutôt jugé années 60, voire 70 ! J'attends d'être reprise par plus connaisseur que moi, mais j'avoue avoir été décontenancée.
La seconde chose, infime au demeurant, est la mauvaise utilisation d'ellipses temporelles. Il y a des moments où on ne sait plus trop où on en est. Le film saute plusieurs années d'un coup sans que cela soit bien cohérent.
Enfin, tout cela n'est que broutille mais m'empêche de faire accéder Le Parrain à un 10/10. Peut-être qu'un troisième visionnage m'encouragera à modifier mon avis.