Temps automnal et vacances mènent dans les salles obscures. En tout cas, c'est un peu comme ça que ça se passe chez nous. L'occasion de passer un agréable moment, de s'émerveiller aussi. Et quel émerveillement ! Annoncé il y a de cela des mois, se retrouvant parachuté sur Apple TV avant une authentique sortie en salle, Le Peuple loup revient de loin et était sur le point, semble-t-il, de se perdre dans les limbes de la SVOD. Quelle erreur cela aurait été !
Le Peuple loup donc, c'est l'histoire de Robyn, jeune anglaise, fille d'un chasseur de renom, engagé pour débarrasser les terres d'Irlande des loups qui peuplent ses forêts et menacent ses villageois. Au cours d'une escapade en forêt, elle rencontre Mebh. Sauvageonne au premier abord, celle-ci s'avère être une "Wolfwalker", créature légendaire qui, la nuit venue, troque son enveloppe corporelle humaine contre celle d'une louve et qui commande à toute une meute. Malencontreusement mordue par Mebh, Robyn va à son tour devenir une Wolfwalker et apprendre à percevoir le monde qui l'entoure d'une toute autre façon.
Entre une amitié interdite, l'amour d'un père dont la protection s'apparente à une prison faite de convenances auxquelles elle n'aspire pas, Robyn est de la trempe des héroïnes qui s'élèvent et inspirent. C'est un peu dans l'air du temps me dira-t-on, et c'est bien vrai. Le film n'a pas l'ambition de servir un scénario surprenant, ni de s'appuyer sur des personnages rarement représentés. Il ne faut pas oublier qu'il s'agit d'un film d'animation, destiné à un jeune public. Les repères inhérents au genre doivent donc être retrouvés et servir le discours et la poésie avec laquelle il nous est livré. Car c'est là que Le Peuple loup tire son épingle du jeu, dans cette masse, souvent amorphe, qu'est le cinéma d'animation.
Chaque période de vacances scolaires voit son lot de films adressés aux familles émerger. Disney, Sony, Dreamworks, chacun y va de sa production, plus ou moins réussie, pus ou moins efficace. Et puis il y a les studios indépendants, qui de leur petite voix, tentent de nous séduire. Pour cela, il faut savoir se distinguer tout en répondant aux attentes du public. Cartoon Saloon, du fin fond de son Irlande, l'a compris et s'illustre parfaitement dans cette tâche. Après Le Chant de la mer, nommé aux Césars et aux Oscars, Tomm Moore revient avec un nouveau conte teinté de magie, de légende et d'écologie. Avec une animation pure et authentique, loin de la 3D, revenant aux bases du dessin, jouant sur les formes et les couleurs, Le Peuple loup est un régal visuel. Souvent, il m'a rappelé ces sublimes albums pour enfant, qui charment l’œil des plus jeunes et fascinent ceux des adultes. Ceux dans lesquels on s'égare, où l'on prend un plaisir infini à scruter chaque détail qui compose ses planches. C'est donc avec émerveillement qu'on voit se succéder les plans qui savent tout aussi bien stimuler que représenter nos sens.
De cette force visuelle naît une vraie poésie, incarnée par les personnages et teintée d'un fabuleux emprunté au folklore irlandais. Tout cela, afin de mieux représenter les abjections de notre société qui oublie d'où elle vient et ce qu'elle doit à son environnement.
Sous ses aspects de légende issue d'un recueil de contes, Le Peuple loup est une ode à la nature et à la liberté qui vient nous rappeler que nos œillères d'adulte occultent trop souvent l'essentiel et ne nous conduisent pas, comme on semble le croire, au triomphe et au bonheur. L'innocence et la clairvoyance enfantines sont là pour nous rappeler l'essentiel et nous permettre de voir ce que les murs de nos sociétés dissimulent, et ce que, plus ou moins consciemment, nous renions.
Et pour ne rien gâcher, le tout est bercé par une bande originale exceptionnelle, aux sonorités traditionnelles dont le main title, Running with the wolves, interprété par AURORA, est un coup de coeur absolu.
Fable au combien enchanteresse, Le Peuple loup est un joyau à découvrir. Resplendissant sous toutes ses facettes, il compte parmi les films d'animation à voir absolument et sans plus attendre.