Des pâtes, des pâtes... Oui mais aux pois chiches !

Une plâtrée de pâtes aux pois chiches vaut peut-être finalement mieux que les millions de lires qui roupillent dans le coffre-fort d'un appartement ; car pour nos penauds gangsters aux mésaventures tantôt compromettantes, tantôt cocasses, mais toujours hilarantes, il semble bien que le butin auquel ils aspirent tant ne soit qu'une vaine et illusoire fin... Rarement le septième art n'aura montré sous de tels auspices des brigands dont la gaucherie n'a d'égale que le regard plein d'affection que leur porte Mario Monicelli, digne représentant de la comédie à l'italienne, comme le furent Dino Risi ou Luigi Comencini. Notre équipe de bras cassés déploie tout son art du casse dans ces banlieues grisâtres et terrains vagues de l'Italie d'après-guerre, filmés avec un lyrisme d'autant plus touchant que jamais ne point le nez du misérabilisme ; émerge seulement une poétique de la marginalité, confortablement assise sur le coussin de la comédie sociale. Mastroianni, Gassman, Cardinale, Salvatori et consorts composent ce bouquet flamboyant, dans un carnaval sociologique réunissant le vieillard sénile, le boxeur beau parleur, la bonne fanfaronnante ou encore le Sicilien séquestrant sa sœur. Mais cette galerie de personnages hauts en couleur serait incomplète si elle ne mettait pas à nu la précarité de chacun d'entre eux ; ainsi, celle de Peppe, père au chômage élevant son enfant avec les moyens du bord, ou celle de Mario, ayant passé sa plus tendre enfance dans un orphelinat.

Des moments de véritable richesse technique, à l'instar cette caméra qui suit l'itinéraire du casse alors que nos compères parlementent pour planifier celui-ci, s'allient avec un naturel déconcertant à des séquences jubilatoires, comme celle du trousseau de clés dans le tramway, grand moment de cinéma s'il en est. De la juxtaposition des ces éléments naît une œuvre dont le dénouement explosif - au sens premier du terme ! - nous ramène inexorablement à la douce et joyeuse fraternité accouchant de l'échec.
Yananas
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Pérégrinations cinématographiques en 2015

Créée

le 25 janv. 2015

Critique lue 522 fois

3 j'aime

2 commentaires

Yananas

Écrit par

Critique lue 522 fois

3
2

D'autres avis sur Le Pigeon

Le Pigeon
Grard-Rocher
8

Critique de Le Pigeon par Gérard Rocher La Fête de l'Art

C'est dans une Italie en pleine crise sociale qu'un pauvre type purge une peine de prison pour avoir fait main basse sur une voiture. Malheureusement cet homme d'un certain âge était sur le coup...

53 j'aime

23

Le Pigeon
DjeeVanCleef
9

La tête et les jambes

Je ne sais pas si ça te fait pareil mais alors que je revois des films que j’adore, irrémédiablement, c’est comme si j’avais la chance d’être à nouveau en compagnie d’êtres qui me sont...

le 21 sept. 2017

41 j'aime

11

Le Pigeon
Kalian
10

Un oiseau de bon augure

Ce qu'il y a de bien à mettre la note maximale à un film, c'est que l'on n'a pas à se creuser la cervelle pour trouver quelques faiblesses insignifiantes. On peut se concentrer sur l'essentiel. Sur...

le 9 janv. 2011

41 j'aime

10

Du même critique

Vice-versa
Yananas
10

Être ou ne pas être telle est la question sinusoïdale de l'anachorète hypochondriaque

Véritable feu d'artifice visuel, Vice Versa est une œuvre à savourer avec le même entrain qu'une exquise confiserie qui laissera sur notre palet un arrière-goût aussi durable que ne l'est un souvenir...

le 23 juin 2015

25 j'aime

8

La Parole
Yananas
8

Dans la famille Borgen, je voudrais le Christ

Nul autre réalisateur que Dreyer n'a posé avec autant d'acuité et de profondeur la question de la foi, à tel point qu'Ordet eût mérité moins un Lion d'or qu'un Crucifix d'or. Dans ce classique du...

le 8 nov. 2013

20 j'aime

4

Les Frères Karamazov
Yananas
10

Réveiller le Karamazov qui sommeille en nous

Ecrire une critique des Frères Karamazov relève de l'impossible ; se livrer à cet exercice reviendrait à passer pour une sorte de Tartuffe, un coupeur de cheveux en quatre, ou à tout le moins pour un...

le 23 févr. 2014

19 j'aime

8