Adieu jupes corolles et autres teintes camel, en 2011, être in, c'est faire un film sur l'exorcisme. Un réalisateur suédois avec un seul succès à son actif s'en occupe, adaptant très librement un reportage récent sur les formations d'exorciste dispensés au Vatican.
En tant que minet apprenti-exorciste, on nous sert un irlandais qui, décidé à battre le réalisateur qui l'emploie, ne présente aucun film connu dans sa filmographie. Nous n'avons rien contre, mais tout cela fait un peu cheap, alors qu'en face de ses débutants en termes de CV sex-appeal, l'on nous sert l'inénarrable Anthony Hopkins ! Hannibal Lecter himself, excusez du peu. Un géant qui campe donc un spécialiste de l'exorcisme, à qui l'on envoie le séminariste un peu trop sceptique pour un apprenti prête, afin qu'il croie enfin à Dieu une fois que l'on mettra sous ses yeux les baveuses horreurs possédées.
La situation s'avère cependant mise en scène avec sobriété, l'on découvre le jeune Michael Covak, s'engageant dans la voie du séminaire sans trop y croire, pour suivre la tradition familiale d'une famille formée de prêtres et de croque-morts. Plutôt que de rester sous la houlette de son père et d'embaumer les morts, Michael choisit donc une voie bien plus vivante et dynamique. Mais, les cours de théologie passe, et le doute demeure : « Crûmes-je en Dieu ? Crûmes-je en rien ? Crumble à la pomme ? ». Face à tant d'agnosticité éhontée seyant tout de même mal à quelqu'un qui suit le séminaire depuis 4 ans, son père supérieur l'envoie dans un cours d'exorcisme, pensant que ces situations à l'horreur bling-bling ouvriront ses yeux sur la toute-puissance du Seigneur. Mais, le scénariste jouant sûrement beaucoup au tennis, le supérieur du dit-cours envoie encore une fois notre Michael à quelqu'un, un père rompu à l'exorcisme pratiquant quotidiennement. L'on suit donc les circonvolutions de foi du personnage principal tandis que le long-métrage rentre dans le vif des sujets, pardon, du sujet.
De rosaire en crucifix, le film nous plonge dans une horreur qui se veut crue, cherchant un effet pseudo « Le Dernier Exorcisme »-like. L'exorciste est désabusé, les effets, au début tout du moins, ne sont pas trop surfaits. Une sobriété qui instaure un climat déstabilisant et une peur de tous les instants, l'effet est efficace. Le scénario, assez lent à démarrer, joue au final avec le spectateur et parvient à articuler tous les intérêts d'un même mouvement. Michael et son combat contre la foi, le père Lucas (Hopkins) et ses doutes, la journaliste qui cherche des pistes sur les exorcismes. Le long-métrage s'enfonce le plus dans l'horreur une fois qu'Anthony Hopkins campe le prêtre possédé, c'est là l'occasion de retrouver tout le talent que le rôle d'Hannibal Lecter lui avait permis d'exprimer. Sans aller jusqu'à comparer ce rôle avec celui du Silence des Agneaux, il faut bien dire qu'Anthony Hopkins tient merveilleusement le film, tour-à-tour indolent et terrifiant.
Un rôle intelligent, un scénario plus malin (sans mauvais jeux de mots) qu'il n'y paraît, cette recette prend de plus vie sous une caméra des mieux gérée. Les cadrages sont tranchants, incisifs, la prise de risque paye et l'on sort avec plaisir des codes trop souvent rencontrés en cette matière. Le réalisateur ne se refuse pas les plans très rapprochés, comme lors de la séquence d'ouverture, véritable tour de force technique. Les éclairages sont gérés avec brio, les ambiances s'alternent et se marient avec harmonie, la scène de l'enterrement de la mère de Michael est toute enveloppée d'une mélancolie blanchâtre, couleur du souvenir. Le travail sonore n'est pas en reste, la peur s'en sert comme vecteur pour se diluer, par le biais d'intelligents échos démoniaques, un peu cliché certes, mais toujours efficace ici car utilisés à bon escient. A chaque scène de possession, le registre des basses est investi, porteur de menaces lourdes, impalpables et terrifiantes.
Le film se réserve même le droit de surprendre scénaristiquement, la bataille contre Satan tourne toujours à son avantage, et le suspense reste entier jusqu'à la conclusion. Michael tombe peu à peu dans la peur, c'est là que les prises de risque payent car le réalisateur ne rechigne pas devant la cruauté. Les possédés profèrent des paroles ignobles, un effet échaudé depuis le célèbre L'Exorciste, certes, mais pour le coup Le Rite a autant de classe que son illustre aîné. Délires et rêves morbides desservent également une plongée vers les neuf cercles infernaux des plus réussies. L'acteur presque-principal se révèle également être une bonne surprise, son jeu tout en sobriété mesurée dessert à merveille cette horreur aux accents réalistes.
Enfin, Le Rite, bien que très conventionnel dans le fond, a cependant cette aura qu'acquière les films destinés à devenir des classiques. Il utilise des ficelles déjà connues, mais en fait un tout cohérent, efficace et effrayant, d'autant plus mis en valeur par la photo très inspirée et un Anthony Hopkins comme on l'a rarement vu.