Là, j'ai vraiment des goûts de chiaute non ?

Je crois que je viens de m’embarquer dans une sacré galère. Il suffit de regarder la moyenne de mes éclaireurs et celle, globale, pour se rendre compte que mon 5 peut faire sourire. Ensuite, il est clair que ce Roi Arthur est un film emmerdant.


Le dézingage en règle qu’il est possible de lire ici ou là renvoie souvent aux mêmes propos. Manichéisme outrancier, aspect sombre, voir laid de la photo et, surtout, crime de lèse majesté, trahison du mythe arthurien. C’est donc à partir de ces quelques remarques que commence mon entreprise. Je ne prétends pas défendre à tout prix ce film ou, pire, jouer au professeur qui a raison contre tout le monde. Non, je vais me contenter de donner un avis très personnel et de mettre quelques évidences sur la table.


Première d’entre elle, le mythe arthurien, tout le monde connait. Arthur, la table ronde, Perceval, Lancelot etc etc. Et bien en fait non. Peu de personnes connaissent véritablement ce mythe. Car, cette geste, est d’abord et surtout une œuvre littéraire médiévale. Les représentations qui sortent ici et là, sont pour l’essentiel issues d’un fond commun qui emprunte surtout … au cinoche OU à des œuvres du XXè siècle. La geste des chevaliers de la Table ronde est avant tout un ensemble complexe, contradictoire, rédigé par des auteurs nombreux, connus ou non, dans des langues différentes, reprenant un fond oral confus, s’étalant sur des siècles … il n’y a en vérité pas un fond arthurien, mais une foule de visions. Ici Chrétien de Troyes, là Monmouth, Wace, Malmesbury, Boron ou Mallory … pas facile de s’y retrouver.


Le cinoche populaire a fait ses choix, a ancré ses vérités, tel Les Chevaliers de la Table Ronde de Thorpe (1953), mais il faut bien se rendre compte d’une première chose : impossible de dire qu’il y a une vérité absolue. Pourquoi cette réflexion préliminaire ? Parce que nombres de critiques portent sur une pseudo trahison de ce film quant au fond. Le film se veut, c’est annoncé en intro, porteur des dernières avancées dans la recherche. Comme pour le Troie de Petersen, la légende arthurienne serait ici revue sous un regard purement historique. Arthur devient donc un romain ; RAS, c’est en effet une des approches les plus crédibles, même si une autre piste renvoie à un Arthur qui serait en fait la fusion d’un Romain et d’un Breton. Les Sarmates ? Rien à dire non plus, c’est possible que de tels cavaliers aient été engagés par Rome. Et puis vint le drame. Merlin en Picte. BOUHHHHHHHHH Tout le monde sait qu’il est Breton, et plus Druide que chef de guerre ! Sauf que voilà, Fuqua a bossé. Et ce Merlin picte est une des déclinaisons possible de Lailoken, une des sources écossaises – donc au passage picte - avec le Celte Myrddin. Ainsi le Merlin du film est un choix audacieux et tout sauf débile. Mais qu’on se rassure, des choix débiles, il y en a : Guenièvre en Xéna la guerrière, c’est idiot. On va chercher une touche féminine, on veut nous faire profiter de la non plastique et du regard terrifiant de Miss Knightley, je comprends la démarche, la pêche grossière, mais ça reste un mauvais choix. Dans la même veine foireuse, on se retrouve avec un Arthur défenseur de liberté absolue, aux forts accents contemporains qui n’ont rien voir avec une quelconque mentalité de cette fin d’empire romain.


Film manichéen ? Les méchants Saxons totalement caricaturaux ? Là encore, la critique tombe parfois à côté. Oui, les raids saxons, comme d’autres, grecs, romains, gaulois, vikings, ne faisaient pas dans la dentelle. On pille, on rase, on tue tout le monde, demandez aux Huns s’il y a matière à être choqué. Ces Saxons sont de vraies brutes sans nuances, et bien je n’y vois rien à redire. Dans le genre manichéen, Gladiator ou Kingdom of Heaven n’ont pas fait moins.


Des glaciers débiles en Angleterre ? Oui mais l’action se passe au nord du Mur d’Hadrien, soit en Écosse. Et chez les porteurs de Kilts, on a des hivers rudes, des sommets au-delà des 1000 mètres … il se peut tout à fait qu’il neige, non ? Et même qu’elle tienne, non ? Mais dans le même temps, le film enfile les conneries comme ici un Pape dirigeant Rome, là des étriers (là je suis vache, sans étrier, fans un film comme ça, bonjour les assurances), là encore des chevaliers qui n’existent à Rome qu’en tant que titre nobiliaire. Tout aussi débile de voir ces héros, Tristan, Perceval et autres Lancelot, archétype moyen-âgeux, héros souvent rajoutés tardivement par un Chrétien de Troyes, par exemple, histoire d’élargir le prisme des aventures. Et que dire de ces magnifiques mini trébuchets médiévaux …


Le souci à mon sens est donc celui d’un non choix, ou d’un choix non assumé. Quitte à faire l’histoire du « vrai roi Arthur », il fallait expurger ces chevaliers, faire de Guenièvre une noble, de Merlin une rumeur brumeuse. Oui mais c’est impossible ; quel scandale ! Imaginez un film sur Arthur sans ces personnages que tout à chacun attend ? QUOI ? IL A MÊME PAS MIS LANCELOT ??? MAIS QUELLE BUSE !!! Sauf que voilà, ces noms là, ces Lancelot – Gauvain – Tristan des steppes, c’est idiot au possible. Sauf que voilà, lire les textes originaux, le spectateur moyen s’en cogne. Il veut des valeurs sûres. Arthur, c’est avec Lancelot et pi c’est tout. Et les deux tournent autour de Guenièvre et pi mayrde.


Fuqua n’avait aucune chance. Pas plus que Boorman qui s’est fait dézingué pour ces armures brillantes au Vè siècle, alors qu’il adaptait un roman du XVIè faisant référence à une guerre civile terrible et où Excalibur était avant tout le symbole d’une unité à retrouver …


Fuqua ne pouvait faire des choix si radicaux. Alors il a mêlé bonnes idées et pistes foireuse. Il a voulu, à tout prix, mettre tous ces personnages faisant partie de notre inconscient collectif. Arthur, sans ses chevaliers, n’aurait pas été Arthur.


Alors que reste-t-il, réellement. Un scénario de sauvetage classique, naïf comme ses dialogues trop gentils en mode « je suis Arthus - Spartacus – Wallace ». Des scènes d’action sympa, surtout dans la version director’s cut. Les combats sont plus convaincants et crédibles qu’une charge de cavalerie romaine en pleine forêt germanique avec appui d’artillerie napalmesque d’un certain Gladiator … Un casting cohérent, en dehors de miss Keira que je ne supporte pas de toute façon, porté par Owen et sa bande de soudars à la 12 mercenaires. Une photo crépusculaire, crasseuse comme pour accompagner l’idée d’une fin de monde, d’une période de pré - Dark Ages. Des décors convaincants, des extérieurs qui font du bien à la place éternels fonds verts. Et la sic est quand même nickel. Oui, techniquement, j'ai vu largement pire et plus fauché.


Fuqua aurait pu - dû - être plus audacieux. Il aurait beaucoup gagné en apportant un peu de nuance chez ces Bretons sympas, ces Moines horribles. Oui. Certes. Mais mayrde, n’allez pas me dire que Gladiator fait dans la nuance. On est quand même au-dessus de La Dernière Légion.


Parce qu’il n’est pas une véritable adaptation historique ars qu’il visait à l’être, ce film ne mérite pas de dépasser la moyenne. Mais pour avoir tenté de voir le mythe sous un jour historique avec un fond littéraire aussi énorme et contradictoire par moment, pour livrer une copie artistiquement correcte quant à un film d’aventure en jupette avec des Saxons qui tranchent dans le lard, il ne mérite pas d’être autant pulvérisé. Et tant pis si j’ai des goûts de chiotte.

Aqualudo

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