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Quand John Huston s'attaque à un genre typiquement hollywoodien, il le fait toujours à sa matière très personnelle. D'un côté, il respecte les codes du genre mais, en même temps, il le révolutionne en douceur, l'air de rien.
Ce Vent de la plaine en est un grand exemple.
A un western très classique (avec attaques d'Indiens, troupeaux de chevaux, courses-poursuites et fusillades), il ajoute une forte dose d'humour (pendant toute la première moitié du film, qui comporte quelques scènes très drôles) et même un brin de surnaturel biblique.
Rachel vit dans une ferme avec sa mère et ses trois frères. Enfin, ce n'est pas vraiment sa famille : elle sait qu'elle a été adoptée. Mais tout va plutôt bien jusqu'à l'arrivée d'un étrange personnage, sorte de cavalier de l'Apocalypse en uniforme nordiste qui clame qu'il est La Vengeance de Dieu (rien que ça !).
Cet ange exterminateur va apparaître et disparaître plusieurs fois, le temps de semer le trouble autour de lui. Il va déclencher une guerre autour de la famille Zachary en rappelant que Rachel est, en réalité, une Indienne.

O comprend vite où Huston veut en venir. Il prend le canevas inverse de La Prisonnière du Désert, de Ford (où la fille blanche a été élevée par des Indiens). Et il montre la violence du racisme (cette soeur adorée devient une pestiférée dès que son origine est connue). Il montre l'importance de la culture (cette scène sublime où, aux flutes indiennes répond le piano de la famille Zachary, permettant une réflexion subtile sur la culture en une séquence crépusculaire et originale).
S'il y a une chose que Huston a souvent combattue dans ses films, c'est le manichéisme trop souvent employé dans les films de genre. Et, ici aussi, il lui fait un sort. Lorsque la famille est attaquée dans sa ferme par des hordes d'Indiens, il suffit d'un plan sur le véritable frère de Rachel pour nous faire changer d'avis. L'ambiguïté arrive : cette famille de fermiers blancs que l'on suit depuis le début et qui nous est très sympathique est quand même à l'origine du mal qui lui arrive. Huston nous rappelle que les Indiens sont les victimes (dans cette petite histoire comme dans la grande Histoire). Alors, bien entendu, le happy end est inévitable, mais la victoire des fermiers a un goût amer.

Des plans splendides, de grands interprètes, un excellent film, intelligent, original et remarquable.
SanFelice
8
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le 28 juil. 2012

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SanFelice

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