A la vision de Casino (le film), il est légitime d'éprouver un vague sentiment de colère. Colère envers Scorsese, qui sait faire appel à nos instincts les plus primaires lorsqu'il attend de son spectateur que celui-ci se délecte en suivant les tribulations des escrocs de la pire espèce.
Ses héros ne sont pas des truands magnifiques comme chez Coppola, ils tuent, violent parfois des innocents (tes), ont une morale douteuse. Pourtant Scorsese parvient, parfois à les rendre un tant soit peu attachants et la colère du spectateur se retourne alors contre lui-même : pourquoi porter aux nues les films de gangster ? Et puis Bordel de M.., Scorsese a failli être prêtre et il ose nous servir cette soupe, cette "stylisation" de la violence, comme si c'était la plus belle chose au monde.
Mais, ne nous égarons pas trop, Casino n'est pas Les Affranchis, Non ? Certes, les personnages sont parfois très similaires, le principe de narration est identique (Voix Off de plusieurs personnages), la chronologie des événements est un copié-collé (ascension puis déchéance).
Mais, dans les Affranchis, le personnage principal Henry provoque bien plus d'empathie que ceux de Casino. Même s'il a "toujours voulu être un gangster" le jeune Henry, comme Scorsese dans sa vraie vie, est condamné à idéaliser ces mafieux respectés de tous, qu'il côtoie depuis son enfance. On éprouve un réel plaisir à suivre ce parcours "initiatique", qui finalement ressemble à une étude de mœurs, à la découverte d'un monde qui porte en lui une déchéance inéluctable. Ray Liotta est excellent dans ce personnage de presque candide qui finira par être happé par la "famille" mafieuse, dans laquelle tous les hommes sont des frères, tant qu'il n' y a pas de grain de sable.
Goodfellas est également l'apogée du cinéma de Scorsese dans sa capacité à diriger sa caméra, prolongement humain qui ne se contente pas de capter des images, mais qui impulse les scènes, précède parfois les personnages, dans une impression de mouvement perpétuel. La violence est effectivement omniprésente et inattendue à chaque fois qu'elle apparait, mais au final, se joue une vraie dramaturgie de la peur, du doute. Les affranchis redeviennent des hommes, traqués, suppliants, n'hésitant pas à donner leurs comparses de toujours en échange d'un espoir de liberté.
Au final, Les affranchis n'est pas si subversif, et si par bonheur on adhère un peu au projet, on ressort de ces trois heures lessivé par cette immersion, mais avec le sentiment d'avoir vécu un grand moment de cinéma.