Les Ailes
7.1
Les Ailes

Film de Larissa Chepitko (1966)

Après la Grande Guerre patriotique (1940-45) à laquelle elle a participé comme pilote de chasse, Nadezhda Petrukhina est nommée directrice d'une école de province mais ne parvient pas à y trouver ses marques. Sans cesse, elle retourne sur les terrains d'aviation. Sans cesse, les souvenirs de la guerre, des amis qu'elle a perdus, lui reviennent en mémoire.

Sur cette trame, Larissa Shepitko construit un film osé pour l'époque et d'une infinie nostalgie. Osé parce que l'histoire raconte la désillusion des gens face au système, leur solitude, l'incapacité à nouer des liens affectifs, autant de thèmes qu'il n'était pas bon de mettre en valeur.

Nadezhda a été un héros et a connu la gloire. Aujourd'hui, on peut non seulement la voir en vrai à l'école, mais aussi en photo au musée de la ville. Mais lorsqu'elle vient dans ce musée pour voir le directeur et qu'elle l'attend dans les salles, une gardienne la prie de ne pas s'asseoir dans un fauteuil parce qu'il s'agit d'un objet exposé. Quelques instants plus tard, elle demande à son ami directeur s'il ne veut pas l'épouser et argumente: « Regarde, tu vas pouvoir épouser un objet exposé dans ton musée » (allusion à sa photo). Toute l'ambivalence de sa position est là: Nadezhda est un objet exposé dans un musée mais n'a pas le droit d'utiliser un autre objet exposé. Sa vie devenue imparfaite comme directrice d'école après avoir été plus que parfaite comme aviatrice se conjugue à un passé simple composé de souvenirs et de meurtrissures. Une façon très directe de dire : No Future !

A la prestation exceptionnelle de Maya Boulgakova s'ajoute une photographie subtile et nerveuse qui met en scène le réalisme soviétique comme pour mieux le détourner (la petite scène de l'exercice des pompiers) et des moments de grâce et de plénitude (les enfants à la plage et au terrain d'aviation, la valse avec la femme du bistrot). Autant de pauses qui permettent au film de respirer.

Seul bémol, le sous-titrage de Criterion, l'unique édition disponible, avec lequel on n'a parfois qu'une seconde pour lire deux lignes...
StanLefort
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le 26 août 2011

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