Quand le sorcier Grindelwald s’échappe, peu après la fin de Fantastic Beast and where to find them, c’est toute la team Scamander qui essaye plus ou moins de s’assembler pour plus ou moins lui courir après… dans les rues de Paris. Parce qu'après tout, les baguettes sont notre spécialité. Après un premier film réussi, c’était le premier « Harry Potter » que je voulais aller voir au cinéma, n’ayant jamais été un grand fan de la saga.



Un film solide…



On ne présentera plus le réalisateur David Yates, qui semble avoir planté sa tente dans le jardin de Rowling tellement il semble indéboulonnable (ayant réalisé tous les films depuis L’Ordre du Phoenix). Il fait un boulot solide, comme d’habitude, malgré une première scène souvent peu lisible et une dernière séquence qui verse dans la surenchère numérique gratuite.
Je suis vraiment fan du Paris des sorciers, l’esthétique Harry Potter se mariant à merveille avec le style Art Nouveau. C’était déjà un des points forts du premier film je trouve, et la transition New-York/Paris est parfaitement exécutée.
Les acteurs sont dans l’ensemble très bons, à commencer par le cast du premier film qui rempile. Dan Fogler est un peu moins éblouissant, mais c’est car son rôle est nettement plus en retrait et qu’il connait déjà le monde des sorciers. Mais Johnny Depp est très charismatique en Grindelwald et s’éloigne enfin de son auto caricature de Jack Sparrow qu’il se traine depuis une quinzaine d’années. Jude Law en Dumbledore est tout à fait convainquant également. Mention spéciale pour Joshua Shea, qui interprète quelques secondes seulement un jeune Newt, mais qui est particulièrement convaincant pour reproduire la posture et les mimiques de Redmayne. Ma seule grosse déception est Brontis Jodorowski en un Flamel pas drôle et mal grimé.


Alors, pourquoi seulement 6/10 à un film d’aussi bonne qualité ? À cause de Rowling, directement aux manettes du scénario.



… mais un scénario hybride



J.K. Rowling est une auteure talentueuse, cela ne fait aucun doute. Mais écrire un livre et écrire un scénario sont deux exercices plus différents qu’on pourrait le croire au premier abord. Car s’il y a quelque chose qui m’a gêné dans ce nouveau film, c’est bien son scénario. Ce qui était déjà le cas dans Fantastic Beasts and where to find them.


Dès le départ, j’ai été déstabilisé. La situation de fin de Fantastics Beast and where to find them est complètement niée, comme si le film n’avait jamais existé, ou plutôt comme s’il s’était arrêté trop tôt. Credence est mort ? Il a survécu. Grindelwald est arrêté ? Sa fuite est littéralement la première scène du film. Jacob a été oublietté ? Il se souvient de tout et est même en couple avec Queenie. Tina faisait les yeux doux à Newt ? Elle est la victime d’un quiproquo franchement peu inventif et noie son chagrin dans une relation avec un Aurore qui n’apparaitra jamais à l’écran.


Par la suite, je n’ai pas réussi à me départir d’une sensation de flottement, pour une raison que j’ai mis du temps à identifier. En réalité, ce nouveau Fantastic Beasts est construit comme un film chorale, où la distinction entre personnages principaux et secondaires est ténue et où chacun suit un but bien particulier, généralement trouver quelqu’un. Newt cherche Tina, Tina, comme Theseus et Yusuf, cherchent Credence, Credence cherche Grindelwald, Grindelwald attend Credence, Nagini suit Credence comme Leta suit Theseus –mais cherche un peu Newt–, Jacob cherche Queenie et Queenie cherche Tina, et ensuite Grindelwald. Et pendant ce temps, Dumbledore manipule un peu tout le monde.
Crimes of Grindelwald ressemble à un grand jeu de cache-cache qui manque un peu de liant. Certes, le film insiste beaucoup sur Credence, mais ceux qui le recherchent ne font finalement pas grand chose pour le trouver. La seule raison qui fait que tout le monde se retrouve pour démarrer le dernier acte est que Grindelwald décide de lancer une pyjama-party au Père Lachaise. Pourquoi maintenant et pas avant ? Mystère et boule de gomme.


Rajoutons à cela pas mal de personnages secondaires assez mal traités comme Nagini, les sbires de Grindelwald –en particulier la Française dont il me semble on ne connaitra jamais le nom–, les animaux fantastiques qui ne semblent là que pour justifier le titre du film ou même dans une moindre mesure Leta, dont le final m’a laissé quelque peu perplexe.


Pourquoi fait-elle semblant de suivre Grindelwald ? Hésitait-elle vraiment ? Si non, pourquoi ne l’attaque-t-elle pas par surprise ? Si oui, c’est un choix intéressant mais trop rapidement évacué.


Et pour finir, je tiens à mentionner la quasi impossibilité de savoir ce dont les personnages sont capables ou pas, entre autres grâces au nombre absurde de sortilèges, une variation du fameux « ta gueule c’est magique », déjà présent dans une moindre mesure dans le premier Fantastic Beasts. Dans la saga Harry Potter, le problème était nettement moindre car la plupart des sorciers étaient en formation, et qu’on nous apprenait presque un par un les sorts qu’ils pouvaient jeter.


L’écriture n’est pas mauvaise pour autant, loin s’en faut. Plein d’arcs narratifs sont réussis, comme le triangle Newt-Leta-Theseus ou la relation Jacob-Queenie qui prend un tournant intéressant. Même le mystère central, i.e. l’identité de Credence est intrigant et bien amené. Mais Rowling écrit un film comme elle écrit un roman, en essayant d’y mettre trop de contenu pour le medium, le transformant en une « adaption originale » hybride. Un oxymore assez peu heureux.


Bref, Fantastic Beasts : The Crimes of Grindelwald est une petite déception, qui prouve qu’écrire un livre et écrire un film, ce n’est pas pareil. Heureusement qu’il nous fait passer malgré tout un bon moment. Il m’a même donné envie de visionner le troisième volet.

Bastral
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs films de 2018

Créée

le 19 nov. 2018

Critique lue 498 fois

1 j'aime

Bastral

Écrit par

Critique lue 498 fois

1

D'autres avis sur Les Animaux fantastiques - Les Crimes de Grindelwald

Les Animaux fantastiques - Les Crimes de Grindelwald
JorikVesperhaven
5

Formellement irréprochable, une suite confuse qui nous perd à force de sous-intrigues inachevées.

Le premier épisode était une franchement bonne surprise qui étendait l’univers du sorcier à lunettes avec intelligence et de manière plutôt jubilatoire. Une espèce de grand huit plein de nouveautés,...

le 15 nov. 2018

93 j'aime

10

Du même critique

Les Traducteurs
Bastral
2

Lost in Translation

Les Traducteurs (2020) est un whodunit qui allie sur le papier un concept classique, le mystère en chambre close, à un contexte original : il ne s’agit point d’élucider un meurtre, mais de trouver un...

le 3 févr. 2020

27 j'aime

5

La Terre à plat
Bastral
6

Globalement plat

Alors que certaines plateformes de vidéos en lignes ont été récemment accusées de diffuser sans distinction nombre de pseudo documentaires complotistes, j'ai été intrigué de voir ce La Terre à plat...

le 15 mars 2019

17 j'aime

Millénium - Ce qui ne me tue pas
Bastral
3

Millénium : Ce qui ne marche pas

Difficile de parler d’une suite au Millenium de Fincher. Le réalisateur (Fede Alvarez), les scénaristes, les acteurs, le compositeur, le chef op… sont tous différents ! En plus, il n’adapte même pas...

le 16 nov. 2018

17 j'aime

3