Les Associés
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Film de John Woo (1991)

Once a Thief est un film important dans la carrière de John Woo, non pas pour son intérêt personnel vis à vis du réalisateur mais tout simplement pour assurer la continuité de sa carrière.

Nous sommes en 1989, John Woo travaille sur le script de A Better Tomorrow 3 quand il apprend par la presse que Tsui Hark a déclaré qu'il écrira et réalisera le film. Cet événement est la goûte qui fait déborder le vase et met fin à la collaboration entre les 2 hommes. John Woo décide alors de fonder sa propre compagnie de production en association avec Terence Chang : la Milestone Pictures. La suite, on la connaît, il réalise Bullet in the Head dans lequel il s'investit beaucoup à tous les niveaux (temps, argent, personnel) mais qui est un échec commercial. La suite de la carrière de John Woo et de sa société de production est alors sur le fil de rasoir, un échec de plus pour le réalisateur et sa carrière peut se terminer. On se souvient que le pourtant très talentueux Patrick Tam, qui fit parti de la nouvelle vague du début des années 80 avec son très remarqué "Nomad", avait du mettre fin à sa carrière après l'échec commercial du pourtant très bon : My Heart is Eternal Rose en 1989.

John Woo et Terence Chang décident alors de prendre le moins de risques possibles. Ils engagent des acteurs connus et en vogue, tournent le film dans un temps record et font de Once a Thief un film du nouvel an. Ce dernier facteur oblige à non seulement pouvoir toucher un large public mais aussi à lui donner ce qu'il demande. Pas question de faire un film dans la veine de The Killer ou A Better Tomorrow. Once a Thief est donc la fusion parfaite entre le style de Woo pré 86 et post 86. Le réalisateur nous sert des scènes d'action tel qu'il en a l'habitude avec des gunfights stylisés et superbement chorégraphiés, tout en y ajoutant la touche slapstick comedy présente dans ses comédies.

En plus de la comédie et de l'action garantissant de ratisser un large public, Woo insère dans son film une jolie histoire d'orphelins possédant 2 pères adoptifs. Le premier père joué par Kenneth Tsang, qui fait parti d'une organisation criminelle et se sert des enfants afin de commettre des vols en n'hésitant pas à les battre ou les priver de nourriture régulièrement. Le second, interprété par Paul Chu-kong, est un policier qui nourrit gratuitement les orphelins et prend soin d'eux. De cette manière, le réalisateur permet d'introduire facilement des valeurs morales à son film, en laissant les personnages choisir entre le bien et le mal par l'intermédiaire des 2 pères adoptifs, donnant par la même occasion au film une dimension familiale importante pour le public.

Si Once a Thief est sans aucun doute un film purement commercial, John Woo ne manque cependant pas d'y injecter ses références. Ainsi, il nomme ses personnages Jules et Jim en référence au film de Truffaut du même nom et de son triangle amoureux qu'il reproduit. De part son décor sur la côte d'azur et la vie de voleur, on pense également à "La Main au Collet" de Hitchcock mais également à Topkapi de Jules Dassin, auquel Woo avait déjà fait référence dans sa comédie : From Riches To Rags, pour la scène du vol. De plus, tout comme dans Just Heroes où un jeune garçon fan de A Better Tomorrow plaçait des flingues dans des pots de fleur, John Woo n'hésite pas à s'auto-parodier. Il fait du personnage de Chow Yun Fat un handicapé se déplaçant en chaise roulante à la suite d'un vol qui a mal tourné, en référence au personnage de Mark, joué par ce même Chow Yun Fat dans A Better Tomorrow, devenant lui aussi handicapé à la suite d'une situation similaire.

Once a Thief est donc un divertissement qui commence comme une comédie d'action légère avant de passer à un ton dramatique pour finir sur de l'action comédie déjanté. Le public non initié au cinéma de Hong Kong pourra trouver ce mélange étrange, surtout comparé à ce qu'a fait le réalisateur durant la période 86 - 92. Cependant, cette recette est assez répandue à Hong Kong et marche même plutôt bien, du moins à cette époque, preuve en est par exemple le God of Gamblers de Wong Jing avec le même Chow Yun Fat.

Les acteurs se débrouillent très bien, du regretté Leslie Cheung toujours aussi charismatique aux second rôles de Kenneth Tsang et Paul Chu-kong, tout deux de très bons acteurs confirmés, en passant par Chow Yun Fat complètement déchaîné qui en fait des tonnes et en rajoute un max, plus proche de ses rôles comiques que dramatiques. Et puis il y a la jolie Cherie Chung, censée être l'attraction principale au centre des convoitises de ce triangle amoureux dont le personnage va finalement très vite passer en retrait dans le récit, au profit de l'amitié chevaleresque entre Joe et Jim qui ne sera ébranlé à aucun moment.

Le film n'est donc seulement qu'un divertissement agréable sans aller plus loin, un film du nouvel an qui répond aux attentes du public local de l'époque, preuve en est le résultat au box office de 33 millions $HK soit 4 fois plus que Bullet in the Head. John Woo préparait alors déjà son exil vers les Etats-Unis et l'annonce à travers ses personnages qui ne voient leur avenir que dans cette immigration vers l'Amérique comme le confirme la fin du film.
Ryo_Saeba
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le 4 oct. 2010

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