Chroniques du Panda, à la quête des calins perdus, volume 4

J'aime bien les métaphores culinaires.
Elles présentent le double avantage d'être en général accessibles tout en offrant un large panel de parallèles.
Ici, je dirais que nous sommes devant l'exemple typique de ces restaurants qui veulent offrir une carte conséquente et variée, qui font grill, pizzeria, crêperie mais pour finalement ne réussir qu'à effleurer chacun de ces sujets, tant le nombre de plats à servir empêche de travailler les finitions.
Ça manque de spontanéité, d'investissement, bref de sincérité.

Oh alors bien sûr, d'un point de vue académique tout y est.
L'entreprise est audacieuse, bousculer les classiques du genre, pas vraiment une comédie musicale (en premier lieu, pas une comédie), pas vraiment un film d'auteur, pas vraiment un film romantique.
Et puis le propos est fort louable : explorer toutes les facettes de l'Amour, avec un grand A.

Oui mais voilà, ainsi que le suggère la métaphore, à vouloir aborder tant de choses, a fortiori des choses aussi profondes, a fortiori en seulement 1h30, on reste en surface.
Ma petite Before, sans qui je n'aurais sans doute pas vu le film disons-le franchement, juge ce "condensé" (sic) "parfait" (sic again).
Pour ma part, je déplore d'avoir préféré la quantité à la qualité dans ce cas précis, tant on a finalement du mal à se sentir vraiment concernés par les atermoiements des protagonistes, ceux-ci retournant leur veste à un rythme effréné que le spectateur peine à suivre.
On commence tout juste à s'intéresser à la situation que c'est déjà du passé.
Vraiment un problème de rythme à mon sens.

Ensuite, un premier constat purement subjectif :
Garrel m'a laissé indifférent.
Son personnage n'était pas évident, à sa décharge. Relativement superficiel, il est difficile de savoir si c'est par un trop-plein ou une absence d'émotion, mais plus grave il est malaisé de déterminer si c'est la faute au personnage ou à l'acteur.
En tout cas, je n'ai pas tremblé pour Ismaël. Peut-être de l'antisémitisme latent et refoulé, je ne sais...
J'ai en revanche été bouleversé par le personnage incarné par Chiara Mastroianni, dont la place est malheureusement bien trop ténue par rapport à la richesse de ce qu'il aurait pu apporter.
J'attendais beaucoup d'Alice, qui se révèle être pour l'histoire ce qu'elle était peut-être finalement dans le ménage à trois : un bouche-trou sans grand intérêt. Davantage un prétexte à explorer toute la palette des "combinaisons" amoureuses possibles qu'un élément du film à part entière.
Déception donc au niveau individuel.

Second constat :
Les chansons.
À quelques rares exceptions, elles ne m'ont pas convaincu. Dommage pour un film qui en intègre autant.
Il est de bonnes chansons qui ne disent pas grand-chose.
Il est des chansons qui, musicalement intéressantes, deviennent excellentes parce qu'elles racontent réellement une histoire.
À l'inverse, je pense qu'il ne suffit pas de caser 3 notes sur une histoire, fût-elle passionnante et bien écrite, pour en faire une bonne chanson.
Ici c'est exactement l'impression qui prédomine.
Il y avait un texte, qui aurait tout aussi bien pu être parlé, si ce n'est qu'il intègre des rimes, et on l'a plaqué sur une mélodie parce que... Eh bien parce que c'était le concept initial.
Là encore je fais écho à la critique de Before sur le sujet : certes les mots sont toujours justes, mais pour autant était-il bien nécessaire d'en faire une chanson ?
Ils n'auraient sans doute pas été moins justes si ils n'avaient pas été chantés, au contraire même.

En résumé, c'est un film qui avait les éléments pour plaire, mais sans se donner les moyens de ses ambitions.
Derrière une critique aussi sévère, je tiens malgré tout à tempérer, ne serait-ce que pour expliquer ma note, qui peut paraître outrageusement clémente au vu des termes durs employés ci-avant.
En matière d'art, plus particulièrement de cinéma, j'éprouve une sympathie toute particulière pour les réalisateurs qui osent.
La prise de risque est ici indéniable et ce film restera pour moi l'une des meilleures illustration de ce qu'une bonne idée reste une bonne idée, même lorsqu'elle est mise en oeuvre maladroitement.

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le 30 juil. 2011

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SeigneurAo

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