Il est complexe de parler d'un film qui traite d'un tel sujet sans blesser lorsque l'on souhaite radicalement séparer l'œuvre de son propos.
Les Chatouilles est un film dont la forme épouse parfaitement le fond ; une forme survitaminée, menée à un rythme d'enfer avec (trop d') énergie, un film qui par sa mise en scène ultra théâtrale (se faisant parfois également beau film sur la danse comme moyen de s'exprimer et de se reconstruire) et métaphorique, illustre combien il est parfois dur d'affronter la réalité, de la ressasser, de l'assumer, de réaliser son potentiel destructeur.
Mais, malgré sa vitalité, ses astuces de mises en scènes (l'art des transitions, des scènes plongées, réinventées, où le quatrième mur se brise), le visionnage devient très régulièrement pénible, voire insupportable, notamment dans sa première moitié, tant la forme, dans son extravagance qui vire souvent à la maladresse voire au ridicule (la séquence avec Noureev, un sommet de malaise), gêne constamment et gâche le véritable potentiel comique et dramatique de ce récit (qui heureusement se révèle parfois dans des scènes, a contrario, puissantes, voire bouleversantes).
Le spectateur est donc secoué dans ce fourre-tout parfois informe et horripilant et l'instant d'après hilare ou secoué.


Le film, porté toutes épaules par une André Bescond dont c'est le récit qui nous est narré, est donc aussi dur qu'il est parfois léger, vivant autant qu'il porte en lui une mort qui pèse lourd, la mort de l'enfant qu'on n'a pas laissé grandir, dont on a blessé l'innocence, dont on a abusé (à l'image de cette affiche qui glisse dans ce qui semble une joie d'enfance quelque chose de dérangeant). Il est, et l'assume, plus un film autobiographique qu'un film sur le thème de la pédocriminalité, ce qui peut lui donner des atours moins intéressants (car narcissique). Mais de ce récit singulier, Bescond parvient à dresser un discours assez universel, faisant de son cas un cas malheureusement trop commun, décrivant à merveille le silence de l'enfant qui ne sait ce qu'on lui fait, bien qu'il le comprenne dans sa chair, de cet enfant qui se tait par peur de blesser, par peur de n'être cru.
Il décrit aussi bien l'apparente normalité pour le criminel des actes odieux qu'il a commis (l'interprétation de Pierre Deladonchamps est particulièrement réussie, troublant dans la peau de ce pervers).
Il décrit enfin et surtout, en plus de l'impact désastreux sur la vie de l'adulte à venir (relations sociales complexes, plongée dans la drogue, violence physique pour se construire une carapace, ...) la dualité de parents dont l'un est un père adorable mais trop placide et naïf, et l'autre une mère détestable qui nie, contourne le sujet, pense à elle avant de penser à sa fille. On retient donc les interprétations de Karin Viard, terrifiante (César mérité), et Clovis Cornillac qu'on avait jamais vu aussi bon.


Ainsi le film fait de son sujet personnel un récit de reconstruction humaine assez touchant et réussi, qui parvient à analyser de manière globale la logique systématique qui s'applique pour ce genre de crime, le silence et le déni qui se construisent autour et les conséquences globales catastrophiques que de tels actes peuvent avoir sur un être.
Il parvient à dépasser ses énormes défauts et maladresses, ses grosses ficelles et sa mise en scène généralement horripilante pour se faire le porte étendard d'un sujet tragique mais passionnant, devenu aujourd'hui plus que politique.

Créée

le 22 mars 2021

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Charles Dubois

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