Ford est un vieux bonhomme, presque assez vieux pour être cloîtré dans le coin d'un studio (qui semble aussi loin que la Chine diront certains) et disparaître brutalement après ingestion de poison violent (en emportant avec lui l'âge d'or d'Hollywood qui agonisait depuis un moment). Mais encore assez jeune pour partir une dernière fois dans l'ouest Américain, pour effectuer son ultime mais aussi plus long voyage : 3000km, 2h40, le tout teinté d'un mélange de tristesse et de tendresse.


Si Cheyenne Autumn est si "interminable" c'est bien par volonté de ne rien oublier : on se balade encore un peu dans la monument valley, on fait s'affronter encore une fois les indiens et la cavalerie, on profite de la neige dans l'ouest américain, on regarde une dernière fois le train passer, on va dire bonjour, ou plutôt adieu, à Wyatt Earp (enfin, James Stewart) puis surtout on n'oublie pas le plus important : la réconciliation. Entre cow-boys et indiens évidemment, après pas moins de 47 ans de guerre, mais aussi entre Ford et les indiens : n'ayant jamais pu leur consacrer de film, il décide de livrer bien là la preuve ultime, pour les derniers sceptiques, de tout le respect que Ford avait pour eux : un respect plus humble certes mais aussi bien plus grand que celui qu'il avait pour la cavalerie (de même qu'il prouvera son respect, tout aussi humble et tout aussi grand, pour les femmes deux années plus tard). En somme l'ultime tâche de Ford avant de pouvoir partir l'âme tranquille.


Puis au-delà de la dernière marche de Ford c'est aussi le récit de la dernière marche d'Hollywood : on se rend compte qu'il n'y a plus rien à espérer dans la réserve. Alors on part de nuit, on traverse tant bien que mal le pays (et on y perd encore des plumes en route, n'est ce pas Cléopâtre ?) poursuivi par des cavaliers, on est obligé d'être enfermé en attendant son heure puis on décide dans un dernier sursaut de se révolter pour la liberté mais ont se finit acculé comme un animal blessé pour recevoir enfin la pitié du nouveau dominant (qui l'était déjà depuis un moment déjà, mais cette fois il est là pour porter le coup de grâce) et reposer en paix en se faisant oublier sur la terre de ses ancêtres.


Et au final, après avoir réglé la dernière des choses qu'il restait à régler, on passe le coussin sacré et on repart à cheval sous le soleil couchant : telle est la conclusion magistrale du dernier (et du meilleur) des westerns.

Lornithorynque
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le 16 oct. 2018

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